19 avril 1314 : Les frères d’Aunay sont roués et écorchés vifs, émasculés, décapités et pendus par les aisselles
À Pontoise, en ce 19 avril 1314, les frères Gauthier et Philippe d’Aunay sont roués vifs, écorchés vifs, émasculés, du plomb soufré en ébullition est épandu sur eux, ils sont traînés par des chevaux avant d'être décapités puis leurs corps sont pendus par les aisselles à des gibets (en fin d’article, vous pouvez lire une description des supplices subis par les frères d’Aunay – âmes sensibles s’abstenir).
Selon la chronique d'un contemporain :
« C'est pourquoi,
expiant par un genre de mort et un supplice ignominieux un si infâme forfait,
ils furent à la vue de tous écorchés tout vivants sur la place publique. On
leur coupa les parties viriles et génitales, et leur tranchant la tête, on les
traîna au gibet public où, dépouillés de toute leur peau, ils furent pendus par
les épaules et les jointures des bras. »
Chronique
de Guillaume de Nangis, ark:/12148/bpt6k946086, Gallica, Edition/traduction
1825, pp. 302
Retour en arrière :
« L’AFFAIRE DES BRUS DU ROI ».
« (…) Le roi a trois fils et une fille.
Autant de drames que d’enfants. (…)
De l’affaire des brus du roi, ôtons les détails qu’a,
depuis Alexandre Dumas, ajouté la littérature d’imagination. Trois princesses s’ennuyaient,
que deux chevaliers « jolis et gais » vinrent distraire. Marguerite
de Bourgogne, fille du duc Robert et sœur du duc Hugues V de Bourgogne, avait
épousé le roi de Navarre Louis le Hutin, un homme de caractère difficile qui la
lassa rapidement ; Gautier d’Aunay devint un jour son amant. Sa belle-sœur
Blanche d’Artois, fils d’Othon IV de Bourgogne et de Mahaut d’Artois, était la
femme de Charles de la Marche, un joli garçon qui eût été insignifiant s’il n’avait
été le fils du roi de France. Sans doute entraînée par sa belle-sœur Marguerite,
Blanche d’Artois devint la maîtresse de Philippe d’Aunay, frère de Gautier et
son compagnon de fredaine. On était en 1311 ou 1312. L’une et l’autre étaient
mariées depuis quatre ou cinq ans, et Blanche avait une fille.
La sœur de Blanche, Jeanne d’Artois, avait épousé
Philippe de Poitiers, un prince qui ne manquait ni de finesse ni de caractère.
Sans participer au coupable divertissement de ses sœurs et belle-sœur, elle
était au courant de tout. Elle se garda bien de se mêler d’une affaire qui ne
la touchait pas.
Et voilà qu’en mai 1314, la chose s’éventa.
Philippe le Bel était alors à Maubuisson. Immédiatement ; il ordonna l’arrestation
des coupables, qui ne firent aucune difficulté pour tout avouer. On devine l’ampleur
du scandale : les trois brus du roi en prison, pour adultère !
(…)
Les frères d’Aunay furent rapidement jugés, à Pontoise
même, et exécutés sur-le-champ, pour lèse-majesté, avec un raffinement de cruauté
qui confond (…). Le bon peuple voyait mal le danger qu’un tel comportement
faisait courir aux principes mêmes d’une monarchie héréditaire : l’incertitude
es filiations. En revanche, il avait quelque peine à penser que tromper un mari
fût un crime passible de mort. Il trouva la sentence un peu rapide et un peu dure.
Jeanne d’Artois avait été menée à Dourdan, où elle
demeura quelques mois, surveillée sans relâche mais traitée avec égards, le
temps qu’une enquête mette en évidence sa relative innocence. Soutenue par se
mère Mahaut, disant très haut qu’elle n’avait rien à se reprocher, elle parvint
à faire admettre qu’il lui était difficile de dénoncer sa sœur. Le Parlement
finit par l’acquitter, et le comte de Poitiers accepta de la reprendre. A Noël,
elle rentra à la cour, où tout le monde lui fit la fête.
Le cas des autres était moins défendable.
Marguerite et Blanche furent conduites à Château-Gaillard, tondues, vêtues d’une
robe grossière et mises au cachot. La reine de Navarre était tout en haut d’une
tour, dans une geôle ouverte à tous les vents, où sifflait en ces mois d’hiver
un vent glacial. Accablée, convaincue de son indignité, Marguerite de Bourgogne
ne cessait de pleurer et de répéter son repentir. Elle mourut de froid, dans sa
prison, vers la fin de l’hiver.
Un peu mieux abritée dans une chambre inférieure,
Banche pleurait aussi, mais de rage. Elle ne devait sortir de Château-Gaillard
que dix ans plus tard, pour mourir religieuse à Maubuisson. (…) »
Texte de Jean Favier, in « Philippe
le Bel » - Fayard.
LE RISQUE DE LEGITIMITE DYNATISQUE
Comment
sacrer et donner l'onction divine à un roi qui n'aurait pas été, sans équivoque
possible, le fils du roi précédent ? On est en droit de douter de la
légitimité et l'autorité d'un futur souverain. Or, l'adultère n'est pas
considéré par l'Église comme un motif suffisant pour annuler un mariage.
Louis
(le futur roi Louis X) et Marguerite ont une fille, Jeanne (future reine de
Navarre et mère de Charles le
Mauvais). La mort rapide de Marguerite, dans sa prison, permet à Louis
de se remarier avec Clémence de Hongrie, mais il n'en a qu'un enfant posthume,
Jean 1er, lequel ne vit que cinq jours (comme quoi l'assassinat de Marguerite
ne lui a été d'aucune utilité !).
Jeanne
d'Artois, l’épouse réhabilitée de Phillipe V qui succède au petit Jean 1er, ne
lui donne « que » trois filles et aucun garçon.
Attaché
à Blanche malgré l'affront, Charles IV le Bel, qui succède à son frère
Philippe, est dans l'obligation politique d'annuler le mariage. Reste à trouver
une justification acceptable par le pape. Charles fait valoir que la mère de
son épouse, Mahaut d'Artois, était sa marraine et, par là même... sa « mère
spirituelle ». Son épouse Blanche est donc, en quelque sorte, « sa sœur » !
Cette clause de parenté spirituelle étant un motif de nullité prévu par le
droit canonique, il peut se remarier avec Marie de Luxembourg. Morte
prématurément, Charles n'hésite pas à épouser Jeanne d'Évreux, sa cousine (on
fera fi de ce lien de parenté). Le roi n'a pas plus de chance avec cette
troisième épouse.
AMES SENSIBLES ABSTENEZ-VOUS !
L'écorchement vif
est une manière de tuer un condamné en lui retirant la peau (épiderme, derme,
hypoderme) jusqu'au fascia musculaire (enveloppe des muscles).
Le bourreau incise soit
le dessous des pieds, soit le sommet du crâne, et tire sur la peau pour l'arracher :
la chair se retrouve à nu et la personne meurt après plusieurs heures de
souffrance.
La
roue est un moyen de supplice utilisé depuis l'Antiquité jusqu'à la fin
du XVIIIème siècle. Au cours de l'histoire, ce supplice a revêtu différentes
formes. Au milieu du Moyen Âge, apparaît un nouveau mode d'exécution au cours
duquel le condamné à mort, après avoir eu les membres et la poitrine brisés en
étant écartelé sur le sol ou sur une croix en bois, reste exposé sur une roue
jusqu'à ce que mort s'ensuive. Selon la résistance du patient, l'agonie sur la
roue pouvait durer de quelques instants à plusieurs jours.
En France, il semble
que ce supplice fut employé pour la première fois par Louis VI le Gros en 1127
pour l'exécution des responsables de l'assassinat du comte de Flandre, mais
c'est un édit de François 1er signé à Paris en janvier 1534, portant
sur la répression des bandits de grand-chemins et le supplice de la roue, qui
en légitima l'emploi. L'édit dispose :
« Que tous ceux et celles qui dorénavant
seront trouvez coulpables des dits délicts et maléfices et qui auront été
deuëment attaints et convaincus par justice seront punis en la manière qui
s'ensuit : ç'est à savoir, les deux bras leur seront brisez et rompus en
deux endroits, tant haut que bas, avec les reins, jambes et cuisses et mis sur
une rouë haute plantée et élevée, le visage contre le ciel, où ils demeurerons
vivants pour y faire pénitence tant et si longuement qu'il plaira à notre
Seigneur de les y laisser, et morts jusqu'à ce qu'il soit ordonné par justice
afin de donner crainte, terreur et exemple à tous autres [...] »
Jourdan, Decrusy,
Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises, depuis l'an 420
jusqu'à la Révolution de 1789, tome 12, Belin-Leprieur, Plon, Paris, mai
1828 p. 400-401 Lire en ligne
Le supplice fut ensuite
étendu aux assassins en 1547.
L'avocat français Pierre-François
Muyart de Vouglans en fait la description suivante en 1780 :
« On dresse un échafaud sur le milieu duquel est
attaché à plat une croix de Saint-André faite avec deux solives en forme
oblique assemblées au milieu où elles se croisent, sur lesquelles il y a des
entailles qui répondent au milieu des cuisses, des jambes, du haut et du bas
des bras. Le criminel nu, en chemise, étendu sur cette croix, le visage tourné
vers le ciel, l'exécuteur ayant relevé sa chemise aux bras et aux cuisses,
l'attache à la croix à toutes les jointures et lui met la tête sur une pierre.
En cet état armé d'une barre de fer carrée, large d'un pouce et demi arrondie
avec un bouton à la poignée, il en donne un coup violent entre chaque ligature,
vis-à-vis de chaque hoche et finit par deux ou trois coups sur l'estomac [...]
Après l'exécution faite, le corps du criminel est porté sur une petite roue de
carrosse dont on a scié le moyeu en dehors et qui est placée horizontalement
sur un pivot. L'exécuteur, après lui avoir plié les cuisses en dessous, de
façon à ce que ses talons touchent au-dessous de sa tête, l'attache à cette
roue en le liant de toutes parts aux jantes et le laisse ainsi exposé au public
plus ou moins de temps. ».
Louis Sébastien Mercier le
décrit ainsi :
« Le bourreau frappe avec une large barre de fer,
écrase le malheureux sous 11 coups, le replie sur une roue, non la face tournée
vers le ciel, comme le dit l'arrêt, mais horriblement pendante ; les os brisés
traversent les chairs. Les cheveux hérissés par la douleur, distillent une
sueur sanglante. Le patient, dans ce long supplice, demande tour à tour de
l'eau et la mort »
Louis Sébastien
Mercier : Tableau de Paris III chapitre Sentence de mort pages 268-269
Les Fourches de la
grande Justice de Paris étaient le principal et le plus grand gibet des
rois de France. Il n'en reste aucune trace visible. Érigé à Paris sur la butte
de Montfaucon, à cent cinquante mètres de l'actuelle place du Colonel
Fabien par la rue Albert-Camus, il a fonctionné depuis au moins le début du XIème
siècle jusque sous le règne de Louis XIII.
De fourches
patibulaires construites en bois vraisemblablement en 1027 par la Haute Justice
du comté de Paris, Montfaucon est transformé peu après 1303 en un monument où
sont exposées aux vents et aux corbeaux les dépouilles, parfois décapitées ou
démembrées, des condamnés à mort exécutés sur place ou ailleurs en France. Il
est remodelé en 1416, durant la guerre de Cent Ans, à la suite de
l'insurrection de Paris en un spectaculaire portique à seize piliers qui périclite
avec l'avènement en 1594 du « Bon Roi Henri » et la fin des guerres
de Religion.
Quelles différences entre Torture et Supplice ?
Pour faire simple, la
torture est une méthode d’interrogatoire alors que le supplice est une sanction
pénale dont l’issue est généralement la mort.
Enluminure où
apparaissent quelques protagonistes de l'affaire, un an après le scandale. De
gauche à droite : Charles IV,
Philippe V, Isabelle
de France, Philippe le Bel (au centre), Louis X,
et Charles de Valois, frère du roi. Paris, BnF, département
des manuscrits, ms. Latin 8504, 1315. Par Anonyme —
http://visualiseur.bnf.fr/ConsulterElementNum?O=IFN-08100529&E=JPEG&Deb=6&Fin=6&Param=C,
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