Qu'est ce que la féodalité ?
La féodalité
est un type de société dont les caractères déterminants sont :
- un
développement des liens de dépendance d’homme à homme, avec une classe de
guerriers occupant les échelons supérieurs de cette hiérarchie ;
- un
morcellement extrême du droit de propriété ;
- une
hiérarchie des droits sur la terre nés de ce morcellement ;
- un
morcellement du pouvoir public normalement attribué à l’Etat.
Le régime
féodal est propre aux Etats nés des partages de l’Empire carolingien et aux
pays ayant subi l’influence de ces Etats.
La féodalité
peut aussi être définie comme un ensemble d’institutions créant et régissant
des obligations d’obéissance et de service – principalement militaire – de la
part d’un homme libre, dit « vassal », envers un homme libre
dit « seigneur », et des obligations de protection et
d’entretien de la part du « seigneur » à l’égard du « vassal » ;
l’obligation d’entretien ayant le plus souvent pour effet la concession par le
seigneur au vassal, d’un bien dit « fief ». Le « fief »
constitue la pièce la plus remarquable dans la hiérarchie des droits sur la
terre que comporte ce type de société.
L'origine
mérovingienne
Au VIe et au
VIIe siècle, l’usage qui consiste à partager à la mort du roi le territoire
entre ses fils, les guerres entre les héritiers, puis les luttes entre les
aristocraties régionales (Austrasie, Neustrie, Bourgogne) sont des causes
d’insécurité. La protection offerte par quelque personnage puissant avait une
contrepartie toujours exigée sous une forme quelconque de service.
La
recommandation ou commendatio
est l'acte juridique par lequel un homme libre
entrait dans le patrocinium de quelqu’un : un homme libre se plaçait
sous le mundium ou la mundeburdis d’un autre, sous sa
« mainbour ». Le recommandé doit servir et respecter celui
qu’il appelle son dominus, son seigneur. Le seigneur devra aider et
soutenir le recommandé quant au vivre et au vêtement (formule
de Tours du VIIIe siècle). Ce contrat prend fin avec la mort de l'un ou
de l'autre.
Dans le recueil
de Marculf du VIIe siècle, on apprend que la conclusion du contrat est verbale et suit un rituel, certainement à l'issue
d’un entretien direct du recommandé par le seigneur.
A une époque où
l’agriculture représentait l’activité économique par excellence, au lieu de
faire donation d’une terre à un recommandé, le seigneur pouvait lui concéder
cette terre en tenure. Le propriétaire concède au tenancier, l’usage et la
jouissance pour une durée prolongée d'une terre. Les redevances et surtout les
prestations en travail dues par le tenancier y étaient lourdes.
Mais à coté
d’elles, il y avait d’autres tenures, dont le caractère
avantageux de ces concessions justifie la qualification beneficum,
bienfait : le bénéfice. Le tenancier n’était tenu de fournir au
concédant aucune prestation en travail et il n’avait d’autre redevance à
acquitter qu’un cens modique.
*
La féodalité
carolingienne
C’est au cours
de l’époque carolingienne que les deux institutions, jusque-là tout à fait
indépendantes l’une de l’autre, de la vassalité et du bénéfice ont été unies au
point de constituer un système d’institutions.
Au début du
VIIIe siècle, la concession de bénéfices à des vassaux semble avoir été
accidentelle et n’émaner jamais des instances centrales de l’Etat. Puis,
l’union de fait entre le bénéfice et la vassalité a pris le caractère d’une
pratique normale.
Les premiers Carolingiens, en distribuant, en bénéfice,
à leurs vassaux, des biens d’Eglise considérables, des domaines entiers et
bientôt des biens étendus leur appartenant en propre, ont largement
attiré dans leur vassalité les membres issues des classes supérieures de la
société. Le capital foncier mis à la disposition de ceux-ci leur permettait
d’entretenir à leur tour, par le même procédé, des vassaux à eux.
Le terme vassallus se rencontre dès la fin du VIIIe siècle ;
mais à partir de la seconde moitié du IXème siècle, on rencontre fréquemment
l’appellation de miles, qui souligne le caractère de plus en plus
militaire de l’institution.
L’extraordinaire
diffusion de la vassalité à partir du règne de Charlemagne s’explique par
l’action de divers facteurs :
1. la politique
des rois et des empereurs tend, pour essayer de consolider leur propre
autorité, à multiplier le nombre de leurs vassaux et imposa aux mêmes fins, aux
agents de leur autorité, l’obligation d’entrer dans la vassalité royale.
2. Au moins dès
la seconde partie du règne de Louis le Pieux (vers 830-840), les grands,
investis généralement de fonctions politiques, se soucièrent de se constituer
un vasselage propre étendu.
3.
L'accroissement du besoin de sécurité se fait sentir chez des hommes
libres d’une aisance relative.
A la fin du VIIIe et au IXe siècle parmi les vassaux royaux, ceux qui
obtenaient un bénéfice, qui étaient « chasés » (casatus),
jouissaient d’un prestige bien supérieur à celui des autres.
Pendant la période carolingienne, la recommandation n’est qu’un
contrat-cadre qui peut créer des rapports de subordination fort divers. Celui qui se recommandait donnait les mains à la personne
dont il devenait le vassal. le double geste des mains, l’immixtio manuum,
vraisemblablement accompagnée d’une déclaration de volonté, de la part du futur
vassal, semble indispensable pour qu’il y eut recommandation.
Dans le même temps, celui qui entre en vassalité ne se contente pas de se
recommander, il prête serment de fidélité. Il s'agit alors d'une
promesse de fidélité. L’adjonction
d’un serment de fidélité à la recommandation assure le seigneur d'une meilleure
exécution des devoirs son vassal. En violant ce serment, ce dernier se rendait
coupable d’un parjure, c’est-à-dire d’un péché mortel. L’essence de la notion
carolingienne de fidélité est négative. Elle consiste à ne rien entreprendre
contre celui à qui l’on doit être fidèle.
Dès lors, les
actes créateurs des liens vassaliques sont composés de la recommandation avec immixtio
manuum et la promesse d’être fidèle, appuyée par un serment, avec
attouchement d’une res sacra. L'ensemble (recommandation et le serment
de fidélité) crée le nexus iuris, le lien de droit entre les deux
parties. Le contrat une fois conclu, les engagements vassaliques ne prennent
fin que par la mort du seigneur ou du vassal.
Dès le règne de Charlemagne, le caractère militaire du service du par le vassal l'emporte sur les autres.
La subordination du vassal à son seigneur présente un caractère
« totalitaire » mais, quelle que soit l’autorité du seigneur, le
vassal reste en principe un homme libre et comme tel, il jouit du droit le plus
essentiel de l’homme libre, celui d’être jugé au tribunal public.
L’obligation
pesant sur le seigneur est d’entretenir son vassal. Sous Charlemagne et sous
ses successeurs, cet entretien a pu être concédé de manière directe, les
vassaux royaux vivant au Palais et le roi assurant l’habillement, la
nourriture, l’armement.
Mais il est
arrivé assez souvent au IXe siècle, que les empereurs et les rois aient
attribué à leurs vassaux des biens en toute propriété, en alleu. Le seigneur
désireux de « chaser » son vassal, lui concède alors un bénéfice.
Les vassaux
sont tenus d’user des ressources de leur bénéfice pour fournir à leur seigneur
le service qu’ils lui doivent en vertu du contrat de recommandation. La mort du
vassal ou celle du seigneur montre l’existence d’un rapport de droit entre les
deux institutions : la fin des relations personnelles, du vasselage met
fin à la concession, réelle, du bénéfice.
A partir de la
fin du règne de Charlemagne, le service de vassal est considéré comme la raison
d’être immédiate de la concession de bénéfice : la confiscation du
bénéfice est la sanction par excellence de l’inexécution ou de la mauvaise exécution
des obligations du vassal.
L’un des
aspects du bénéfice est celui des droits des deux parties sur celui-ci. Le
seigneur reste propriétaire de la terre qu’il concède en bénéfice, cette terre
reste son alleu. Il n’y a pas d’obligation pour le seigneur de concéder à un
autre vassal un bénéfice devenu vacant.
Cependant le
droit de disposer de la terre concédée en bénéfice s’est, au cours du IXe
siècle, restreint de plus en plus entre les mains du seigneur. Cependant au
cours de la seconde moitié du IXe siècle, le retrait du bénéfice, même pour
raison ou sous prétexte d’infidélité, s’est fait de plus en plus difficile.
Plus caractéristique encore, le droit de disposition du nouveau seigneur lors
du décès de son prédécesseur, se trouve de plus en plus paralysé. Sans aucun
doute, la diminution des droits du seigneur sur le bénéfice au profit du vassal
est une conséquence de la détention effective du bénéfice par le vassal et de
son désir de le faire passer dans son patrimoine.
Le contrat de
recommandation, dans sa pleine rigueur, excluait toute notion d’hérédité. La
concession d’un bénéfice, née de la recommandation, ne pouvait donc, elle non
plus, présenter de caractère héréditaire. Mais de très rapidement, des cas ont
du se présenter où un seigneur accueillait la recommandation du fils d’un
vassal décédé et lui concédait le bénéfice tenu par son père. Celui-ci pouvait,
d’ailleurs, avoir préparé de son vivant ce règlement avec le seigneur, qui
pouvait espérer en retour un dévouement plus grand et un service accompli de
meilleure grâce. Le caractère héréditaire acquis par celui-ci dans la seconde
moitié du IXe siècle, marque un glissement du bénéfice sinon dans le patrimoine
vassalique, du moins vers celui-ci.
Et le désir d’obtenir un plus grand nombre de bénéfices explique les efforts
des vassaux pour admettre la pluralité des engagements vassaliques. Ces
tentatives n’ont vraisemblablement abouti complètement qu’assez tard dans le
IXe siècle.
En 868, Hincmar
admet une relation entre le service du vassal et l’importance du
bénéfice ; celui-ci devient la mesure et presque la condition du service.
Le renversement des termes est en voie de se réaliser.
*
Les relations féodales sur la structure de l'Etat carolingien
Vassaux du roi,
tenant de lui en bénéfice un ensemble de biens dont les revenus devaient
représenter le principal attrait de leur charge, les comtes et les autres
agents supérieurs de l’autorité publique ont du être amenés à se considérer
comme tenant en bénéfice la charge elle-même, l’honor pour employer la
dénomination technique.
Comme les
vassaux ordinaires, les titulaires d’honores ont aspiré à faire passer
dans leur patrimoine familial les domaines attachés à leur charge.
L’assimilation de l’honor au beneficum apparaît comme tout à fait
acquise dans les dispositions prise à Quiercy en 877 par Charles le Chauve.
Dès le règne de
Louis le Pieux, on constate qu’évêques et abbés ont été obligés de se
recommander au roi ; leurs fonctions, l’episcopatus et l’abbatia,
sont assimilées à des bénéfices. Le serment de fidélité prêté par les évêques
était semblable à celui des vassaux.
Dès la fin du règne de Charlemagne, les liens unissant le vassal à son seigneur
sont beaucoup plus forts que les liens de dépendance entre le sujet et le roi.
Le caractère de
bénéfices pratiquement héréditaires pris par les charges publiques dans la
seconde moitié du IXe siècle a, tout au moins en Francie Occidentale, fortement
restreint les possibilités d’action du roi sur les agents de son pouvoir.
Enfin, il
parait incontestable que la diffusion des relations vassaliques ait fini par
soustraire, dans une large mesure, un très grand nombre d’hommes libres à
l’autorité immédiate de l’Etat. Pour atteindre le vassal, particulièrement le
vassal qui, non chasé ou ne détenant qu’un bénéfice modeste, dépendait plus
étroitement de son seigneur, il fallut de plus en plus s’adresser à celui-ci
afin qu’il usât de contrainte à l’égard de son vassal.
Et cependant, les vassaux royaux ont constitué souvent au IXe et au début du Xe
siècle les forces grâce auxquelles les rois ont pu lutter contre les
usurpations de potentats locaux, ducs, marquis ou comtes.
Les princes
territoriaux, devenus indépendants, qui se sont partagé au Xe siècle, la
majeure partie de la France sont restés vassaux du roi. C’est ce lien
vassalique auquel la France doit avoir évité une dislocation complète.
*
La féodalité
classique
A l'âge
classique (Xe-XIIIe siècles), les institutions féodales ont dépassé les limites
de la monarchie franque (France, Allemagne, Royaume de Bourgogne,
Italie). D’Allemagne, elle s’est répandue dans
les pays slaves voisins. En 1066, le duc de Normandie introduit la
féodalité en Angleterre, d'où elle gagne l’Ecosse. Les croisades lui donne
accès aux entités politiques créées par les croisés en Syrie, en Palestine et
en Grèce (IVème Croisade).
Deux éléments:
· l’élément personnel : la vassalité
· l’élément réel : le fief
L'élément
personnel: la vassalité
Les relations
vassaliques sont issues du contrat rencontré dans la monarchie franque aux
temps carolingiens.
1/ Le contrat
vassalique : l’hommage
Le premier de
ces actes, qui à l’époque carolingienne était habituellement qualifié commendatio,
est l’hommage. Il comprend deux éléments:
1. L’immixtio
manuum : le vassal place ses mains jointes dans celles du seigneur qui
referment celles-ci sur elles.
2. Le volo: déclaration
de volonté qui se fait presque partout dans les mêmes termes.
L’hommage
devait traditionnellement être accompli librement.
2/ Le contrat
vassalique : le
serment de vassalité
Le serment de
fidélité est prêté debout, la main sur les Livres Saints, sur l’autel, sur une
chasse contenant des reliques.
Le serment de
fidélité doit suivre instantanément l’hommage.
3/ Le contrat
vassalique : l’osculum
L’hommage et le
serment sont accompagnés assez généralement, surtout en France, d’un troisième
acte, l’osculum, le baiser. L’osculum constitue un moyen de
confirmer les obligations contractées par les parties.
4/ Le contrat
vassalique : actes écrits
Dans le sud de
la France et dans les pays rhodaniens faisant partie du royaume de Bourgogne ou
d’Arles, où l’usage de l’acte écrit est infiniment plus répandu qu’au nord de
la Loire, l’établissement d’une charte à l’occasion de la conclusion d’un
contrat vassalique est courant dès le début du XIIe siècle.
5/ Effets du
contrat vassalique : le pouvoir du seigneur
Le pouvoir du
seigneur est immédiat et direct sur la personne du vassal, limité par la seule
notion de ce qui n'est pas compatible avec la dignité d’homme libre et par le respect
du roi.
6/ Effets du
contrat vassalique : obligations des parties
Les obligations
naissent de l’ensemble constitué par l’hommage et le serment de fidélité.
Lettre de
Fulbert au duc d’Aquitaine en 1020, définition des obligations :
« Celui
qui jure fidélité à son seigneur doit avoir toujours les six mots suivants
présents à la mémoire : sain et sauf, sur, honnête, utile, facile,
possible. Sain et sauf, afin qu’il ne cause pas quelque dommage au corps de son
seigneur. Sur afin qu’il ne nuise pas à son seigneur en livrant son secret ou
ses châteaux forts qui garantissent sa sécurité. Honnête, afin qu’il ne porte
pas atteinte aux droits de la justice de son seigneur ou aux autres
prérogatives intéressant l’honneur auquel il peut prétendre. Utile, afin qu’il
ne fasse pas de tort aux possessions de son seigneur. Facile et possible, afin
qu’il ne rende pas difficile à son seigneur le bien que celui-ci pourrait
facilement faire et afin qu’il ne rende pas impossible ce qui eut été possible
à son seigneur. C’est justice que le vassal s’abstienne de nuire ainsi à son
seigneur. Mais ce n’est pas ainsi qu’il mérite son fief, car il ne suffit pas
de s’abstenir de faire le mal, mais il faut faire le bien. Il importe donc que
sous les six aspects qui viennent d’être indiqués, il fournisse fidèlement à
son seigneur le conseil et l’aide, s’il paraître digne de son bénéfice et
s’acquitter de la fidélité qu’il a jurée. Le seigneur aussi doit, dans
tous ces domaines, rendre la pareil à celui qui lui a juré fidélité. S’il ne le
faisait pas, il serait à bon de droit taxé de mauvaise foi ; de même que
le vassal qui serait surpris manquant à ses devoirs, par action ou par simple
consentement, serait coupable de perfidie et de parjure. »
3/ Effets du
contrat vassalique : la fidélité & les prestations du vassal
Etre fidèle,
c’est avant tout ne rien faire qui puisse mettre en péril celui à qui l’on a
promis fidélité ou lui causer quelque dommage.
Les prestations
du vassal constituent par excellence l’aspect positif de l’objet de
l’obligation du vassal : fournir un servitium, servire; le
conseil (consilium); l’aide (auxilium).
L’auxilium
comprend tout particulièrement le service militaire fourni à cheval.
Le service
militaire du vassal est la raison d’être essentielle du contrat
vassalique : c’est pour disposer de chevaliers, que le seigneur accepte
des vassaux. Le vassal peut être tenu de servir avec un armement complet ou
seulement de se présenter avec quelques pièces d’armement les plus essentielles
(cas des vavasseurs). Certains vassaux sont redevables du seul service
personnel, d’autres doivent servir avec un nombre déterminé de chevaliers. Le service militaire a quelque fois été remplacé par une
redevance pécuniaire, le scutagium ou « écuage ». Cependant la
règle générale reste, pendant toute l’époque envisagée ici, le service
militaire personnel. Mais il existe d’autres formes du servitium que les
prestations militaires : services d’administration domaniale, service
domestique supérieur, port de messages, escortes, etc. Il y a tout lieu de
croire que le développement des services domestiques, des services d’honneur et
des menues redevances au détriment du service militaire s’est accentué au XIIIe
siècle.
La nature même
du service militaire pouvait varier. En France et en Angleterre, on distinguait
par exemple habituellement l’expeditio (ou hostis) de l’equitatio
(ou cavalcata), l’ « ost », de la
« chevauchée » : la première était une véritable entreprise
guerrière de quelque importance, tandis que la seconde n’était qu’une
expédition brève. Une autre forme de service militaire est
l’ « estage » c’est-à-dire le service de garde dans un des
châteaux du seigneur. On rencontre aussi très souvent l’obligation pour le
vassal de tenir son propre château ouvert à son seigneur. Le service était du
sans rémunération spéciale pour le vassal. Le vassal doit un certain nombre de
jours de service – souvent quarante. Parfois il est entendu que le service n’est
du que dans certaines régions.
A coté de son
aspect militaire, l’auxilium en avait, un autre : celui de l’aide
pécuniaire dite de l’ « aide aux quatre cas » :
- le paiement
de la rançon du seigneur prisonnier,
-
l’ « adoubement » du fils aîné du seigneur,
- le mariage de
la fille aînée du seigneur,
- le départ du
seigneur pour la Terre Sainte.
Le consillium
consiste pour le vassal à assister le seigneur de ses conseils. L’un des
aspects les plus importants de ce devoir de « conseil » consiste à juger.
4/ Effets du
contrat vassalique : objet de l’obligation du seigneur
Pour le
seigneur comme pour le vassal, le devoir de fidélité présente les mêmes
caractères que le devoir de fidélité du vassal.
Quant aux
prestations, le seigneur doit à son vassal protection et entretien : il peut
entraîner le seigneur à faire la guerre pour défendre son vassal ou être tenu
de défendre son vassal en justice. Le seigneur est également tenu d’assister le
vassal de ses conseils et de lui faire bonne justice ; enfin, s’il lui a
concédé un fief, il doit lui en garantir la possession.
Quant à
l’entretien, le seigneur doit mettre le vassal à même de fournir le service et
particulièrement le service militaire qu’on attend de lui soit en le faisant
vivre directement à sa cour, soit en lui concédant un fief.
6/ Fin du
contrat vassalique
Dès la première
moitié du XIIe, on admet, en France, qu’un vassal peut rompre ses engagements,
à condition de faire connaître sa décision solennellement et de renoncer à son
fief.
Le manquement
d’une des parties à ses devoirs est la « félonie ». La sanction la
plus efficace consiste dans la confiscation du fief, conséquence nécessaire de
la rupture du serment. Le développement progressif des droits du vassal sur le
fief a rendu la confiscation difficile à réaliser. Mais en France on a, dès le
XIIe siècle, introduit une sanction moins grave, de caractère provisoire, la
saisie du fief.
7/ Pluralité
d'engagements
Le système de
la « ligesse » l’a emporté en France. On distingue parmi les
seigneurs celui qu’il faut servir avec toute la rigueur : integre,
c’est-à-dire entièrement, sans réserve ; contra omnès,
« contre tous hommes ». Ce seigneur, c’était le dominus ligius,
le seigneur « lige ».
Mais on a, en
France, usé de l’institution de l’ « hommage lige » pour créer
de nouveaux engagements de valeur égale à l’hommage prêté au premier seigneur
lige. Dès le XIIe siècle, une même personne peut être l’ « homme
lige » de plusieurs seigneurs. Les hommages non liges ont été dits homagium
planum, « hommage plain », c’est-à-dire simple.
*
L'élément réel
: le fief
L’élément réel
reste à l’age classique ce qu’il était à l’époque carolingienne : une tenure
concédée gratuitement par un seigneur à son vassal en vue de procurer à
celui-ci l’entretien légitime et de le mettre à même de fournir à son seigneur
le service requis.
En France, beneficum
reste le terme reçu au Xe siècle et dans la première moitié du XIe siècle. Mais
un autre terme apparaît : feodum, en français, « fief ». Dans
la seconde moitié du XIe siècle, son usage est général en France. Les verbes feodare
ou fevare sont employés au moins dès la fin du XIe siècle pour désigner
la concession de fiefs.
Le fief
consiste le plus souvent en une terre, mais aussi une autorité, une fonction,
un droit. Les princes territoriaux français, successeurs par usurpation des
agents royaux carolingiens, ont tenu leur autorité en fief du roi ; l’usage
courant en France sera bientôt de parler à ce propos de « fiefs de
dignité ». Mais à coté de ces pouvoirs de nature supérieure et toujours
d’origine publique, d’innombrables fonctions et d’innombrables droits ont été
inféodés.
L’objet du fief
peut aussi consister en un droit à un revenu, à une somme versée à des termes
réguliers, à une rente, dira-t-on à partir du XIIIe siècle : le feodum
de bursa, le « fief de bourse ». Grâce à des concessions de
l’espèce, la monarchie anglaise a réussi surtout au XIIe et au XIIIe siècle à
faire entrer dans sa vassalité un nombre extrêmement considérable de princes et
de seigneurs. Le fief de bourse pouvait être constitué par la remise au vassal
d’une somme d’argent ou en un revenu fixe à percevoir sur une source déterminée
de revenus. Mais le plus souvent le fief de bourse était ce que l’on pourrait
appeler une rente sur le Trésor.
Vavassoria, feodum ou terra vavassoris, le fief ou
la terre de « vavasseur » est une expression de sens aussi mouvant
que vavassor lui-même. On sait que ce mot, qui désignait primitivement
l’arrière-vassal, a la plus souvent désigné un vassal occupant un rang social
inférieur.
1/
L’investiture.
Les conceptions
juridiques du haut Moyen Age exigeaient, on le sait, un acte matériel pour
qu’il y eut création ou transfert de ce que nous appelons un droit réel :
acte matériel, presque toujours symbolique. Dans le cas de l’inféodation,
l’acte symbolique destiné à la réaliser était l’investiture. Elle suivait la
foi (le serment) et l’hommage, très souvent de manière immédiate.
L’investiture consiste dans la remise par le seigneur d’un objet
symbolique. Dans un cas, l’objet servait à mieux matérialiser l’acte de
concession auquel procédait le seigneur ; mais celui-ci conservait
l’objet : le sceptre, la verge, un anneau d’or, un couteau, un gant,
etc. ; parfois, quand il s’agissait d’un objet de peu de valeur, celui-ci
était brisé. Dans le second cas, le seigneur laisse l’objet entre les mains du
vassal investi, cet objet servant à symboliser le fief lui-même : un
rameau, un peu de terre ou de gazon, une lance, un ou des étendards etc.
L’investiture confère au vassal la saisine du fief ou tout au moins la saisine
en tant que vassal.
Dans certains
cas les parties font établir une relation écrite de la prestation de foi
et de l’hommage et de l’inféodation du fief. Avant le XIIIe siècle cependant,
de tels documents ne sont guère fréquents. A partir de cette époque, les écrits
commencent à devenir plus nombreux, surtout en France.
2/ Renonciation
et Mouvance.
La renonciation
au fief, précédée, le cas échéant, de la « démission de foi »
s’opérait par un acte parallèle à l’investiture. Cela se faisait dans des
formes correspondant à celles qui avaient eu pour but de le
« vêtir », c’est-à-dire par un rite de « déguerpissement »,
de werpitio, le vassal remettant entre les mains du seigneur un objet
symbolique ; l’objet était, en principe, celui qui avait servi à
l’investiture.
L’on a
considéré de bonne heure qu’entre une terre ou un droit concédé en fief, d’une
part et l’alleu ou le fief dont il a été détaché en faveur d’un vassal, d’autre
part, il s’est créé un rapport : on a dit de cette terre ou de ce droit
qu’il « descendait » (descendere), ou plus souvent qu’il
« mouvait » (movere) de cet alleu ou de ce fief. Le rapport
que nous venons d’indiquer est appelé en français la « mouvance ».
3/ Nature des
droits
L’un des
problèmes les plus essentiels posés par l’étude du fief est celui de la nature
du droit du seigneur et du vassal sur le fief.
Première
hypothèse : le fief
est tenu directement d’un seigneur propriétaire de la terre en alleu. Le vassal
tient donc son fief d’un alleutier : le roi, un alleutier laïque ou une
église.
Le seigneur est
titulaire d’un droit assimilable à une nue propriété romaine, le vassal, d’un
droit assimilable à l’usufruit. Mais le fait de la détention effective du fief
par le vassal a permis à celui-ci d’étendre de façon constante son droit réel
propre. Sous l’influence de la renaissance du droit romain en Occident, les
juristes du XIIIe siècle admirent franchement une division du droit de
propriété, du dominum et ils imaginèrent la doctrine du « domaine
divisé » : le seigneur alleutier conservait le dominum directum,
le « domaine direct » ou a « directe », parfois appelé
« domaine éminent » par les modernes ; le vassal acquérait le dominum
utile, le « domaine utile ».
Seconde
hypothèse : le
vassal tient son fief d’un seigneur qui le tient lui-même en fief d’un
alleutier ; il tient un arrière-fief. Son droit réel est par conséquent un
fragment de droit provenant du démembrement d’un droit réel né lui-même d’un
démembrement du droit de propriété de l’alleutier. Lors de la formation de la
doctrine du domaine divisé, on hésitera au sujet de l’attribution de ces
domaines au seigneur intermédiaire et à l’arrière-vassal. Une partie de la
doctrine admettra la multiplicité et la relativité des domaines direct et
utile. Par contre, la pratique française n’a reconnu de domaine direct qu’au
seigneur supérieur par rapport à qui le bien concédé en fief était un alleu,
les seigneurs inférieurs n’étant chacun titulaire que d’une portion du domaine
utile.
Le vassal
n’avait primitivement que le droit d’user et de jouir du fief ; il ne
pouvait ni en diminuer la valeur, ni l’aliéner. A part l’interdiction d’aliéner
le fief, qui s’est généralement maintenue, le vassal a réussi à dégager son
droit sur le fief, de presque toutes ces entraves au cours de la période ici
envisagées.
4/ L'hérédité
du fief
Le bénéfice,
tenure viagère, avait, on l’a vu, commencé à prendre dans la réalité des choses
un caractère héréditaire tout au moins en ligne masculine directe, dès la
seconde moitié du IXe siècle, particulièrement en France et en Italie. En
France, ce caractère héréditaire s’est accentué au cours du Xe et du XIe
siècle, au point de s’y généraliser très fortement, surtout en ce qui concerne
les fiefs d’une certaine importance.
Le fief étant
destiné à mettre un vassal en mesure de fournir son service, la concession
devait prendre fin à la mort du vassal. L’héritier devait requérir
l’administration à la foi et à l’hommage et à l’investiture. Mais cette
investiture, il y avait droit, à condition de prêter foi et hommage ; elle
ne pouvait lui être refusée. La mort du vassal ayant mis fin à l’inféodation,
le droit du seigneur sur le fief se reconstituait dans son entier : s’il
était alleutier, le domaine utile venait entre ses mains rejoindre le domaine
direct. Aussi, à l’origine, a-t-on du admettre d’ordinaire que dans le laps de
temps s’écoulant entre le décès du de cujus et l’investiture du nouveau
vassal, celui-ci n’avait pas la saisine du fief.
Au Xème siècle,
le caractère héréditaire du fief n'est pas encore entièrement fixé. Le seigneur
peut poser ses conditions avant d’admettre l’héritier du vassal à la foi et à
l’hommage et de lui donner l’investiture : en d’autres mots, il se fait
payer son consentement. Le paiement que le seigneur exigeait de ce chef est
appelé dans les textes relevium (le « relief »). Des
reliefs énormes ont été exigés parfois au XIIe et au XIIIe siècle. A partir du
XIIe on rencontre dans le domaine français de la Couronne un usage consistant à
fixer le montant du relief à une année de revenus du fief. Le paiement
consistait non pas en une somme d’argent, mais en un cheval et en un équipement
complet ou partiel de chevalier.
Les engagements
vassaliques prennent fin originairement par le décès du vassal et par le décès
du seigneur. Ces deux circonstances pouvaient donc donner lieu à la perception
d’un relief par le seigneur.
Les partages
auraient compromis le service du au seigneur, d’où la règle de l’indivisibilité
du fief. Il importait de s’entendre sur le successeur légitime : la primogéniture
a été le plus fréquemment admise. Plus le vassal tenait le fief pour un élément
de sa fortune personnelle, plus il a entendu faire bénéficier l’ensemble de ses
enfants, de ses biens féodaux comme des autres biens qu’il pouvait posséder.
D’où une tendance au partage qui a fini par l’emporter dans la plus grande
partie de la France.
Divers systèmes
furent imaginés pour sauvegarder l’intérêt essentiel du seigneur au service qui
lui était du et l’intérêt légitime de l’enfant, inapte à s’acquitter de
ce service. Quelle que fut la solution adoptée, l’enfant « en garde »
une fois majeur pouvait requérir être reçu à la foi et à l’hommage et d’obtenir,
lui, l’investiture du fief.
Le service du
vassal devant être assuré et la femme n’étant ob imbecillatem sexus,
« à raison de la faiblesse de son sexe », pas à même de le fournir,
quelqu’un devait en être chargé pour elle : ce représentant était agréé
par le seigneur et il lui prêtait, le cas échéant, foi et hommage. Quand la
femme était mariée, ce représentant était le mari.
Primitivement,
la sous-inféodation n’était certainement pas permise au vassal sans
autorisation du seigneur. Mais dès la fin du XIe siècle, elle semble pratiquée
d’une manière très générale.
Originairement
le vassal n’avait certainement pas le droit de vendre ou de donner son fief.
Cependant on connaît des cas de donations ou de ventes de fiefs. Mais
dès le XIe siècle, on commence à ne plus rencontrer en France, la mention du
report effectif entre les mains du seigneur et de l’investiture effective de
l’acquéreur par celui-ci. On peut admettre qu’à partir du XIIe siècle au plus
tard, le seigneur n’a pu en France s’opposer à l’aliénation d’un fief.
Le seigneur
disposait aussi d’un autre droit à l’occasion d’une aliénation, celui d’exercer
un « retrait ». Le « retrait féodal » était le droit pour
le seigneur de se substituer à l’acheteur en lui remboursant le prix.
Les relations
entre la vassalité et le Fief
Au cours des
siècles suivants, la concession du fief devient la véritable raison d’être
l’entrée en vassalité. Dans bien des cas, c’est pour obtenir un ou des fiefs
que l’on devient vassal d’un seigneur.
De l’existence
de ce lien causal on a tiré la conséquence que la fidélité même du vassal était
liée au fait qu’il détenait des fiefs du seigneur et que son service requérable
était du à la raison de la concession de tel fief.
Cet état de
choses permet de comprendre la relation établie dès le XIIe siècle entre
l’hommage, acte créateur essentiel du contrat vassalique, et la concession du
fief. On fait hommage pour tel fief.
Le service
mêmes du par le vassal au seigneur est considéré de plus en plus comme un service
du par le fief ou au moins pour le fief.
En conclusion
de ce point de vue, un engagement vassalique n’ayant pas la concession d’un
fief pour contrepartie donne naissance à une obligation sans cause et par
conséquent nulle. L’engagement personnel du vassal prend, dans ces conditions,
presque l’allure d’une formalité préalable et nécessaire à l’obtention d’un
fief.
*
Les relations
féodales sur la structure de l'Etat capétien
Rien, pas plus
dans leur élément réel que dans leur élément personnel, ne peut entrainer au
profit d’un vassal ayant reçu l’investiture d’un fief, l’exercice d’une
juridiction à l’intérieur des limites de la terre inféodée. Il a pu arriver que
l’on ait inféodé, en même temps qu’une terre, des droits de nature
« publique » et notamment des droits de justice s’exerçant à
l’intérieur des limites de cette terre ou même en dehors de ces limites.
La
juridiction féodale, c’est-à-dire la juridiction s’appliquant à des causes
relatives au contrat vassalique et à ses effets ou au fief lui-même, appartient
normalement au seigneur : il l’exerce sur ses vassaux et sur les fiefs
tenus de lui.
Mais de très
bonne heure, nous voyons ces conflits jugés par un tribunal. Dans la plus
grande partie de la France, les princes territoriaux se créent une curia,
une « cour ». Au sein de cette cour a compétence générale, présidée
par le prince ou par le comte, ses vassaux siègent comme assesseurs.
Ces tribunaux
ne sont pas exclusivement compétents lorsqu’il s’agit d’exercer une juridiction
répressive ou une juridiction civile contentieuse. C’est devant ces cours
féodales que sont prêtés la foi et l’hommage, que s’effectuent les
investitures, les abandons et les mutations de fiefs.
En France, on
peut dire que le droit féodal est resté jusque tard dans le XIIe siècle, le
seul système de règles sur lequel le roi put fonder l’exercice du pouvoir, en
dehors du domaine de la Couronne.
re aussi "Structures politiques carolingiennes"