Le rassemblement monarchique du XIIIème siècle
Les forces neuves de la dynastie
Le
roi et son royaume
A
la fin du XIIème siècle, la monarchie capétienne s’arme de forces, proclame
avec éclat sa supériorité et s’entoure d’une vénération grandissante. Chargé de
symbolisme et de merveilleux, huitième sacrement, le sacre est un incomparable
privilège que reconnaissent désormais les clercs étrangers.
Dès
la mort du souverain, sur l’instant, l’héritier légitime est fait roi ;
Louis VIII est le premier Capétien qui ne fut ni sacré ni associé au trône du
vivant de son père. Dès 1226 enfin, lors du sacre, le rituel de l’acclamation
–vestige de l’ancienne élection – a lieu après l’onction et non plus avant.
C’est que le problème dynastique semble désormais résolu. Louis VII avait
épousé une princesse d’ascendance carolingienne. Son fils Philippe, « prêts »
fait de même La gloire de Charlemagne et de Roland rejaillit sur la maison des
lys. Les jongleurs placent à Paris le palais des empereurs et font de
« douce France » le berceau des Carolingiens. Ils entourent la maison
royale d’une gloire héroïque.
Là
est née et se fortifie la tradition qui fait de Charlemagne le patron de
France. L’indépendance de fait du roi à l’égard de l’Empereur, fut-il surtout
Frédéric Barberousse, se nourrit donc d’arguments neufs ; le roi peut
revendiquer un rang impérial ; une victoire – Bouvines – et il prend le
titre d’Augustus. Dans son royaume, que l’on commence à appeler la
France, il détient l’autorité suprême.
Le
trésor et les armes
Avant
même les grandes annexions, le Capétien possède entre Paris, Laon et Orléans
les plus grasses terres de France. Dans ce domaine depuis longtemps pacifié,
tout a été fait pour accroître le rendement des terres, les profits de la
circulation et le nombre des hommes. Le monarque est de très loin le plus riche
des seigneurs du royaume.
Grâce
à cette richesse, le roi, comme les princes de l’Ouest ou du Nord, envoie dans
ses terres des agents salariés, les baillis, dans le double but de surveiller
les prévôts et d’instituer des cours de justice susceptibles de rayonner hors
du domaine. Il peut, au centre d’une cour encore bien modeste, confier les
grands offices (sénéchalat, chancellerie), jusqu’alors tenus par de puissantes
familles, à des serviteurs gagés, qui sont les instruments dociles de sa
volonté. Par sa richesse encore, le roi dénoue les coalitions, achète
l’adversaire, maintient des neutralités, constitue un trésor de guerre sur
lequel il veille avec un soin jaloux. Il est à même quand les circonstances
l’exigent, de soudoyer, autour du groupe inébranlable des « chevaliers de
l’Hôtel », une petite armée professionnelle. Cette force mobile et
expérimentée forme le fer de lance de la cavalerie des vassaux et des milices
de piétons fournies par les paroisses.
Paris
capitale
Le
roi, désormais, y séjourne quand il ne chasse pas dans ses manoirs
d’Ile-de-France. Philippe Auguste y est né. Il réside en son palais de la Cité.
En
1190, à la veille de son départ pour la Terre sainte, Philippe décide
d’entourer d’un rempart le quartier marchand ; en 1204, la grosse tour
ronde du Louvre défend le passage de la Seine ; en 1209 enfin, la muraille
cerne le quartier des écoles. Rapidement, les faubourgs, naguère disséminés
autour du Châtelet, ne forment plus qu’un bloc pénétré par deux grandes voies –
Saint-Denis et Saint-Martin – pavées par ordre du roi. La ville est, de très
loin, la plus peuplée du royaume, et aussi la plus vaste.
Paris
est donc capitale, la première d’Occident en date et en importance. Le donjon
du Temple abrite l’argent du roi, la tour du Louvre ses trésors et ses
prisonniers. Ce centre du pouvoir facilite les taches du gouvernement,
d’administration, agit comme un aimant sur les princes et les vassaux, qui y
élèvent des hôtels…
Le
rassemblement des terres et des hommes
Domaine
et puissance
Comme
le moindre des seigneurs du royaume, le roi, pour tenir son rang, donner à Dieu
et bien caser ses fils, continue d’arrondir ses terres. Inlassablement, le
domaine s’accroît de petites seigneuries, de droits de commandement acquis à
prix d’argent, de terres tombées en déshérence. Les achats se multiplient. Le
roi développe sa puissance politique en dehors de son domaine, multiplie ses
« hommes », fait peu à peu entrer dans sa fidélité les principaux
personnages, achète les hommages des sires en détresse, pratique une politique
systématique d’immédiatisation des arrière-vassaux. Il réalise progressivement
cette « pyramide féodale » restée toujours si imparfaite.
Le
roi Philippe agit encore comme l’un de ses barons quand, après avoir épousé
Isabelle de Hainaut, il intervient dans les affaires de Flandre, use habilement
du droit féodal pour acquérir pacifiquement l’Artois, puis le Valois, le
Vermandois et l’Amiénois.
La
désagrégation du domaine angevin
Philippe
Auguste, afin d’affaiblir son vassal le plus redoutable, avait bien tenté
d’utiliser contre Henri II Plantagenêt l’avidité de ses fils, mais l’amitié qui
sembla un moment rapprocher Philippe et Richard Cœur de Lion, roi d’Angleterre
en 1184, ne résista pas au temps. Parti en 1190 délivrer les Lieux saints avec
Richard, Philippe l’abandonna pour agir contre lui et reprendre le gouvernement
du royaume. Une guerre acharnée s’ensuivit. Richard mort, son frère Jean
réussit à se faire investir par Philippe de toutes les terres angevines. Des
années de luttes et de tractations n’avaient abouti qu’à des gains dérisoires.
Peu
après, tout changea. En août 1200, Jean, afin de contrecarrer les ambitions
d’un trop puissant vassal, épousa Isabelle d’Angoulême, déjà fiancée à Hugues
de Lusignan. Les compensations attendues ne venant pas, les Lusignan se
révoltèrent, et, leurs fiefs confisqués, en appelèrent à la justice de leur
seigneur suprême, le roi de France. Ayant vainement cité Jean à comparaître
devant sa cour, Philippe, selon la procédure féodale, et par le conseil de ses
vassaux, fit alors prononcer la confiscation de tous les fiefs du vassal félon.
En
mars 1204, les mercenaires du routier Cadoc hissèrent la bannière royale sur
les murailles du Château-Gaillard. La chute de la forteresse entraîna celle de
toutes les places normandes, dont Rouen. L’année suivante, l’Anjou et la
Touraine furent occupés presque sans combat. Des années d’efforts,
d’humiliation, une entière soumission au pape, et Jean put enfin forger la
coalition décisive qui unit aux vassaux lésés par la puissance royale – Raymond
de Dammartin, comte de Boulogne, le comte de Flandre Ferrand – l’empereur Otton
de Brunswick, suivi d’une imposante cohorte de princes d’Empire. Jean et ses Châtelet
furent mis en fuite presque sans combat à La vêtus (2 juillet 1214). Quant au
rassemblement impérial et flamand, il fut écrasé au même moment à Bouvines,
après quelques heures d’une bataille acharnée.
Après
Bouvines, la monarchie capétienne semblait invulnérable et les conquêtes
réalisées sur les Plantagenêts paraissaient définitivement assurées. Quand, en
1224, Louis VIII entreprit de soumettre le Poitou et la Saintonge, les
libéralités consenties à la noblesse régionale et aux villes fit de
l’expédition une promenade militaire, menée jusqu’à La Rochelle – principal
port atlantique – qui ouvrit ses portes au roi de France. Toutes les
entreprises du jeune roi d’Angleterre Henri III pour reprendre pied dans les
provinces perdues échouèrent. Il ne lui demeurait donc que le duché de Guyenne
– libre de tout service, puisque, depuis la sentence de commise de 1202, le roi
d’Angleterre n’était plus vassal du roi de France pour ses fiefs continentaux.
La
pénétration du Languedoc
C’est
avec une égale prudence que la monarchie était intervenue dans le grand fief
toulousain, conquis par l’hérésie. Le comte de Toulouse, Raymond VI, se bornait
à une neutralité faite d’impuissance politique et de sympathie. Le 15 janvier
1209, le meurtre du légat Pierre de Castelnau – qui venait d’excommunier le
comte – décida Innocent III à prêcher la croisade et à « exposer en
proie » les terres de Raymond, tandis qu’il incitait le roi de France à
prendre la tête de l’expédition punitive. Accaparé par les affaires du Nord,
Philippe Auguste temporise et réserve ses droits. Il laisse cependant prêcher
la croisade sur ses terres. Simon de Montfort, baron d’Ile-de-France, chef
militaire de la croisade et héritier des dépouilles du vicomte de Carcassonne,
scelle le destin du Languedoc, en écrasant à Muret (1213) le roi d’Aragon venu
au secours de son vassal. Le Languedoc est rattaché solidement au royaume et
Simon impose aux seigneuries conquises les coutumes d’Ile-de-France. Investi
des domaines de Raymond VI par le concile du Latran, il fait hommage de ses
fiefs à Philippe Auguste.
En
1218, le fils de Simon, Amaury, accablé par la résistance occitane et le retour
triomphal du comte, fait appel à son suzerain et, peu après, lui abandonne ses
droits. Louis VIII se fait confirmer par l’Eglise la dépossession des domaines
du jeune comte Raymond VII. Soutenu par ses principaux vassaux, il prend la
croix (1226) et soumet rapidement la plupart des villes languedociennes. Au
traité de Meaux-Paris (1229), le comte dut ratifier le démembrement de ses
Etats, doter largement sa fille unique – promise à un frère de Louis IX –
tandis que les sénéchaussées de Beaucaire et de Carcassonne étaient annexées au
domaine.
La
suite n’alla pas sans difficulté. Les excès de l’Inquisition entraînèrent une
résistance armée dans les campagnes, et de violentes réactions urbaines. En
1242, dans une ultime tentative, le comte de Toulouse se joignit au roi
d’Angleterre et au comte de la Marche. Mais les prises d’armes des conjurés ne
furent pas cordonnées, et Raymond VII dut, une nouvelle fois, implorer se
grâce. En mars 1244, les flammes qui embrasèrent Montségur marquaient la fin de
toute résistance. En 1249, Jeanne de Toulouse, mariée à Alphonse de Poitiers,
put, aux termes du traité de Meaux, recueillir sans opposition l’héritage
paternel.
Ainsi,
en moins de trente ans, la monarchie avait atteint les rivages de la Manche, de
l’Atlantique et de la Méditerranée. Mais, de toutes les annexions opérées sur
l’empire angevin, la Couronne ne garda sous son administration que la
Normandie. Le reste fut concédé en apanage par Louis VIII à ses fils. Les
grandes conquêtes n’avaient pas modifié la conception du pouvoir. Toutefois,
bien avant 1250, tandis que les princes apanagistes gouvernent leurs terres en
accord profond avec la politique royale, le roi exerce pleinement sa
suzeraineté sur la Flandre, la Champagne, la Bourgogne.
Les
officiers du roi
Car
en moins de trois générations, et sans mutation brusque, le roi devenant plus
riche et ses domaines plus vastes, l’administration royale, dans ses formes,
ses méthodes et son esprit, s’est transformée en un instrument singulièrement
efficace.
L’institution
des baillis avait été progressivement étendue aux provinces du Nord, en
Normandie, puis en Anjou. Dans l’apanage d’Alphonse de Poitiers et en
Languedoc, les « sénéchaux » reçurent d’identiques attributions. La
charge n’était plus collective ; partout un personnage unique, recevant
pleine délégation de l’autorité royale, rayonnait autour d’une ville, dont il
prenait le nom. Sénéchaux et baillis, fréquemment mutés, doivent régulièrement
rendre compte de leur administration devant la cour. Une cour déjà différenciée
et qui s’adapte au nombre et à l’importance des affaires qu’elle est amenée à
connaître. Elle se réunit plus fréquemment au judiciaire. Les grands vassaux se
bornent bientôt à prononcer les sentences lors des sessions solennelles ;
le travail réel est désormais préparé par de véritables juges professionnels. En
matière financière, un personnel spécialisé contrôle la comptabilité des
officiers locaux. Quant aux services domestiques du souverain et de sa maison,
si longtemps confondus avec la cour, ils s’en détachent progressivement et
constituent l’ « hôtel », avec ses propres officiers. Auprès du
roi enfin, des chevaliers et des clercs, gagés et prêtant serment, conseillent
et confèrent à l’action monarchique une continuité qu’elle n’avait jamais
connue.
Une
plus grande efficacité surtout. A la cour comme dans les provinces,
conseillers, baillis, sénéchaux ne sont plus seulement des hommes d’épée.
Certains ont une formation théorique, mais tous entourés de clercs sortis des
collégiales royales ou des universités. Tous apportent au roi cette arme
redoutable : l’écrit.
S’attelant
à la rédaction de coutumes, fouillis de droits inextricables, les serviteurs
royaux mettent au service du monarque leurs connaissances et leur rigueur
d’analyse. Lentement, prenant la suite des canonistes, les clercs élaborent un
droit, associent aux prétentions féodales de la monarchie les réminiscences des
codes et des traités, éclairent les notions encore confuses de la
« souveraineté du roi », « prince en son royaume », en
viennent à penser que toute justice est tenue en fief du roi, et affirment déjà
qu’un vassal ne peut s’insurger contre le monarque sans tomber sous le coup de
l’antique loi de majesté… Riches d’arguments, de deniers et de prestige, les
officiers étendent bien au-delà du domaine la protection royale sur les
églises, les villes et les individus.
Quant
aux villes, victimes des oligarchies, leurs privilèges ne font plus que masquer
discordes sociales et désordres financiers. Le roi, « seigneur naturel des
communes » selon ses conseillers, se doit de secourir l’enfant « sous-agé »,
de restaurer les libertés municipales. L’intervention gonfle le trésor, les
« aides » se multiplient.
L’aristocratie,
depuis longtemps déjà, s’était accoutumée à porter ses procès devant les cours
royales qui employaient des méthodes qui contribuaient à substituer la
procédure à la vengeance du lignage. Par l’ « assurement », tous
ceux qui se sentaient menacés pouvaient se placer sous la sauvegarde royale.
Pour cela, aux frontières de Guyenne comme aux marches de l’Empire, nombre
d’hommes étaient susceptibles de faire intervenir la justice du roi, et se
protégeaient du même coup des prétentions combien plus dangereuses du prince
régional.
Quant
à la « souveraineté » des princes qui, dans leur baronnie, menaient
une semblable politique, elle s’accordait à celle du roi lorsque, à sa cour,
ils légiféraient en matière féodale.
Ainsi
le droit féodal n’est plus qu’un instrument entre les mains des officiers qui,
pénétrant partout, donnent au royaume plus de consistance. Le français gagne,
et la justice et la monnaie du roi. Langues, coutumes, façons de vivre ou de
penser demeurent encore nombreuses et dissemblables, mais les juristes ne sont
plus seuls à penser que le pays commun des Français est « la couronne du
roi ».
Cela
grâce à Saint Louis, qui transforma la notion naissante de souveraineté en une
conception mystique, selon laquelle « les Français sont un dans le roi,
comme les Chrétiens sont un dans le Christ ».
Saint
Louis et la synthèse chrétienne
Saint
Louis n’est pas, dans sa jeunesse, l’ascète mortifiant son corps, l’émouvant
roi mystique des hagiographes ; gai, bon compagnon, volontiers spirituel,
il partage les goûts de la noblesse pour les jeux ou les parures, joint la
prestance au courage guerrier. S’efforçant d’être le meilleur représentant de
la nouvelle chevalerie, le roi gouverne simplement, s’entourant de conseils,
mais guidé par sa foi et subordonnant tout à son ministère royal. Plus tard,
affaibli par les fièvres et les abstinences, Louis, victime d’un échec et roi
de la fin des temps, demeure résolu, autoritaire ; pleinement conscient de
sa souveraineté pour ce qu’il considère être le bien du royaume, il impose à
tous son idéal de justice, de paix et d’ordre chrétien.
de
justice…
Rendre
bonne justice : l’image du roi prêcheur, entre ses familiers sous le chêne
de Vincennes et faisant droit sans nul intermédiaire aux plaintes de ses
sujets, a valeur exemplaire. D’abord pour ses barons. Sans doute se montre-t-il
très respectueux des justices seigneuriales. Mais il ne tolère pas que leurs détenteurs
en abusent. Car le roi entend soumettre à ses propres principes ses officiers.
Il étend enfin son idéal d’équité aux transactions commerciales et donne
l’exemple d’une scrupuleuse stabilité monétaire. Quand il ordonne de ne
recourir, en justice, qu’à des modes de preuves raisonnables, il suit les
conseils de ses juristes et sanctionne des usages largement diffusés. Dans l’un
et l’autre cas, il les fortifie de son prestige.
…de
paix…
Idéal
de justice, quête de paix. Louis lutte contre toute violence, interdit la
vengeance familiale, renouvelle la « quarantaine le roi », essais
d’abolir les tournois, impose, en 1245, une trêve de cinq ans à ceux qui mènent
une guerre privée. Les troubles ne disparaissent sans doute pas, mais la paix
du roi fortifie celle des princes.
Au
milieu d’une Europe déchirée, devant une Angleterre abaissée et un Empire
exsangue, le roi refuse toutes les aventures, garde une égale distance entre le
Saint-Siège et l’Empire, ne profite pas des rivalités aragonaises et castillanes,
et fait figure de médiateur suprême. Partout, il apaise, rassemble, mais
d’abord dans le royaume et pour l’ordre chrétien.
et
d’ordre chrétien
Il
le fait avec toute la dureté de l’Eglise qui, dressée contre l’hérésie,
encadre, surveille et contraint. Louis est le protecteur des inquisiteurs du
Languedoc, et c’est en son nom, protégé par ses sergents, que Robert le Bougre
étend ses persécutions au nord du royaume. Pour régner sur de bons chrétiens et
conduire ses sujets au salut, il va même jusqu’à prohiber les jeux, pourchasser
la prostitution, punir très cruellement le blasphème. Quant aux Juifs, il leur
interdit d’exercer l’usure, fait brûler les exemplaires du Talmud, leur impose
le port d’insignes distinctifs. Du moins les protège-t-il dans leurs personnes
et garde-t-il dans son aversion le sens de la charité et l’espoir de les
convertir. Louis IX s’entoure de Mendiants et les comble de dons ; il est
tertiaire de saint François ; sa sœur Isabelle fonde à Longchamp le
couvent des Clarisses. Son gouvernement s’inspire plus encore que par le passé
des exigences de la morale évangélique et de la nécessaire purification du
monde ; le roi utilise ses richesses à des fins charitables, multiplie
maisons-Dieu et hôpitaux, témoigne des valeurs neuves d’un christianisme lucide
et généreux. Il abandonne alors tout luxe vestimentaire, mortifie son corps en
toute joie, implore le Seigneur de lui faire venir les larmes, et, pour l’amour
de son peuple et l’imitation du Christ, « met son corps en aventure de
mort », en croisade. En 1244, année de la seconde chute de Jérusalem, il
jure de prendre la croix, fait construire Aigues-Mortes, s’y embarque en août
1248 pour frapper la puissance musulmane en son cœur, l’Egypte. Echec,
capitulation, et quatre longues années en Palestine à caresser le vain espoir
d’une alliance mongole. Rentré en France en 1254, il songe déjà à repartir. Le
1er juillet 1270, affaibli par la maladie et l’ascétisme, il fait
voile vers Tunis, campe devant Carthage, et succombe de la peste le 15 août
On
le tenait déjà pour un saint ; son « martyre » auréola une
monarchie désormais vénérée jusque dans les villages.