27 avril 1413 : Prise de la Bastille… déjà !


Le 27 avril 1413, Simon le Coutelier dit Simon Caboche, d'où le nom de Cabochiens donné à ses partisans, issus pour l'essentiel des classes populaires de la cité parisienne mais aussi de la corporation des bouchers, gens riches mais mal intégrés parmi les notables, s'emparent de la Bastille le 27 avril 1413, mettent à mort le prévôt de Paris Pierre des Essarts, pénètrent jusqu'au palais du roi, et, pendant quelque temps, exercent le pouvoir dans Paris.

La révolte des Cabochiens est un épisode de la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons, conflit mené par deux branches cadettes de la dynastie royale des Valois entre 1407 et 1435, avec comme arrière-plan la guerre de Cent Ans et le grand schisme d’Occident.

Charles VI étant fou, la reine Isabeau de Bavière préside à partir de 1393 un conseil de régence, où siègent les grands du royaume. L'oncle de Charles VI, le duc de Bourgogne Philippe le Hardi, qui fut régent à la minorité du roi (de 1380 à 1388), est fin politique et influe sur la reine (il avait organisé le mariage royal pendant sa régence). Cette influence va être progressivement détournée par Louis d'Orléans, le frère du roi. À la mort de Philippe le Hardi, son fils Jean sans Peur, moins lié à Isabeau, perdra encore de l'influence. Les autres oncles de Charles VI sont moins influents sur la régence : le duc Louis d'Anjou est accaparé par la gestion du royaume de Naples et le duc Jean de Berry sert surtout de médiateur entre les partis d'Orléans (futurs Armagnacs) et de Bourgogne.

Jean sans Peur, évincé du pouvoir et joué par le duc d'Orléans, se lance dans une campagne de séduction où il déploie des trésors de démagogie. Il séduit ainsi les marchands, le petit peuple et l'Université. Il menace Paris en 1405 pour faire montre de sa puissance, alors que Louis manœuvre pour empêcher le duc de Bourgogne de réaliser une continuité territoriale entre ses possessions des Flandres et le duché de Bourgogne en acquérant le duché de Luxembourg. Cela ne suffisant pas à restaurer son influence, Jean sans Peur décide de se débarrasser de son exaspérant rival : il le fait assassiner à Paris, rue Vieille du Temple, le 23 novembre 1407, alors que celui-ci sort de chez la reine, qui vient d'accoucher. Cet assassinat déclenche la guerre civile.

Dans le dessein de venger son père, Charles d'Orléans, fils de Louis, la victime, suscite partout des ennemis au duc de Bourgogne. Pourtant, en 1409, une paix conclue à Chartres semble arrêter les hostilités. Mais Charles d'Orléans ayant épousé la fille de Bernard VII d'Armagnac, il se forme à Gien, à l'occasion de ses noces, une ligue contre le duc de Bourgogne et ses partisans, dans laquelle entrent, outre le duc d'Orléans et son beau-père, les ducs de Berry, de Bourbon et de Bretagne, ainsi que les comtes d'Alençon et de Clermont (15 avril 1410).

Les finances royales sont mises à mal par la guerre de Cent Ans. Isabeau de Bavière choisit Henri V d'Angleterre et cède au duc de Bourgogne. Les princes s'opposent à toute participation financière à l'effort de guerre. Caboche et les Bouchers refusent de contribuer davantage, appelant de leurs vœux une participation financière des Princes, remettant ainsi en cause les privilèges fiscaux de la noblesse. Les princes refusent au nom de leur rôle historique de défenseurs armés des paysans et du royaume. Les Corporations qui assurent, elles, la subsistance de la Cité, sont conscientes de leur utilité sociale et estiment que cette position doit être reconnue.

En janvier 1413, le roi est obligé de convoquer les états généraux, de signer l'ordonnance connue sous le nom d'« ordonnance cabochienne », qui tend à brider le pouvoir monarchique, rappelant, par exemple, le consentement à l'impôt par les états généraux, et de coiffer le capuchon des cabochiens, en signe d'acceptation. Elle est promulguée le 27 mai. Cette ordonnance est l'œuvre en réalité des conseillers de Jean sans Peur, qui l'impose au roi Charles VI, mais son nom rappelle le contexte politique parisien dans lequel elle est signée. Mais les exactions des Bourguignons et des Cabochiens rendent le peuple de Paris très mécontent et l'incitent à se soulever.

Le comte Bernard VII, seigneur brutal et redouté, à la tête d'une armée nombreuse composée de soldats originaires des pays de l'Adour et de la Garonne, se met à la disposition de son gendre et se rend maître de Paris. Les Cabochiens qui ne parviennent pas à s'enfuir sont exécutés et l'ordonnance est cassée le 5 septembre 1413. Simon Caboche réussit cependant à prendre la fuite avec Jean sans Peur mais la Boucherie du Parvis-Notre-Dame fut rasée. Pour récompenser Bernard VII d'avoir réprimé l'insurrection des Cabochiens, la reine-mère Isabeau de Bavière, qui préside le Conseil de Régence qui gouverne le pays depuis que le roi a été frappé de folie quinze ans plus tôt, le nomme connétable.

Le 29 mai 1418, grâce à la trahison d'un certain Perrinet Leclerc et au soutien des artisans et des universitaires, Paris est livré à Jean de Villiers de L'Isle-Adam, capitaine d'une troupe de partisans du duc de Bourgogne. Le 12 juin suivant, les Armagnacs sont massacrés par la populace. Le comte Bernard VII fut l'une des victimes. Maître de Paris, Jean sans Peur entre en négociation avec les Anglais et semble disposé à accueillir les prétentions du roi d'Angleterre au trône de France. Il devient impérieux pour le Dauphin de négocier un rapprochement avec les Bourguignons pour éviter une alliance anglo-bourguignonne. Jean sans Peur, de son côté, s'est rendu maître d'une grande partie du royaume après la prise de Paris, mais ses finances sont au plus bas. Il est donc favorable à une rencontre avec leDauphin, afin de signer une paix avantageuse.