5 juin 1806 : Louis Bonaparte et Hortense de Beauharnais, roi et reine de Hollande



La conclusion d’une des dernières lettres à son frère en tant que roi de Hollande résume le courroux de l’Empereur à son égard : « Soyez d’abord Français et frère de l’Empereur, et soyez sûr que vous serez dans le chemin des intérêts de la Hollande. Mais pourquoi tout ceci ? Le sort en est jeté ; vous êtes incorrigible. Déjà vous voulez chasser le peu de Français qui vous restent ; ce n’est ni des conseils, ni des avis, ni de l’affection qu’il faut vous montrer, mais la menace et la force. Qu’est-ce que ces prières et jeûnes mystérieux que vous avez ordonnés ? Louis, vous ne voulez pas régner longtemps ; toutes vos actions décèlent mieux que vos lettres intimes les sentiments de votre âme. Écoutez un homme qui en sait plus que vous. Revenez de votre fausse route ; soyez bien Français de cœur, ou votre peuple vous chassera et vous sortirez de Hollande l’objet de la risée et de la pitié des Hollandais. C’est avec de la raison et de la politique que l’on gouverne les États, non avec une lymphe âcre et viciée. » (20 mai 1810)

Adulé de Napoléon 1er dans sa jeunesse, Louis Bonaparte a longtemps été un frère très docile. Ses malheurs domestiques avec la brillante, mais superficielle, Hortense de Beauharnais ont conforté l'image terne qu'a brossée de lui une postérité fort sévère pour la famille Bonaparte. Face au grand Napoléon, à son génie et à sa gloire, Louis le mélancolique fait bien triste figure. On en oublierait presque la période la plus passionnante de sa vie, quand il fut nommé roi de Hollande par un empereur désireux d'imposer sa loi en Europe et d'abattre la puissance britannique. Assis sur le trône au printemps 1806, Louis conquiert sa véritable identité et s'avère un Bonaparte pur-sang. Autoritaire, voire autocrate, travailleur énergique, esprit curieux et éclairé, comme son aîné, il veut tout savoir, tout diriger et tout entreprendre. Mais Napoléon n'entend pas que la Hollande soit indépendante ou qu'elle viole la politique qu'il met en œuvre sur le continent. Aussi, Louis sera-t-il déchiré entre ses devoirs de frère et ceux de souverain. Pourtant, il saura rallier les Hollandais, autrefois ardents républicains, au régime monarchique. Dans son royaume, Louis est entré dans l'histoire comme un " bon roi ", attentif au sort de ses sujets.

Hortense de Beauharnais a souvent été réduite au simple rôle de belle-fille de Napoléon. Mariée à un homme qu'elle n'aime pas, assujettie aux obligations de la vie officielle, soumise aux rigueurs de l'exil, frappée par la mort de deux de ses fils et l'éloignement de son amant, la vie de la jeune femme aux yeux bleus semble marquée du sceau du malheur.
Elle est pourtant loin de s'en tenir à un second rôle. Tour à tour princesse, reine puis duchesse, endurcie par les épreuves, Hortense exercera son influence jusque dans l'exil où, retirée à Arenenberg, au bord du lac de Constance, elle reçoit les visiteurs qui affluent de toute l'Europe. Intensément mère, elle se bat en 1831, puis en 1836 pour sauver son fils, Louis-Napoléon, auquel elle inculque des valeurs qui contribueront à faire de lui l'empereur Napoléon III.
Puisant aux sources les plus larges, y compris les fonds d'archives d'Arenenberg et de Ravenne jusqu'alors inexploités, Marie-Hélène Baylac retrace avec brio la vie à la jonction de deux siècles de cette femme d'esprit au destin d'exception.