23 mars 789 : le capitulaire Admonitio generalis de Charlemagne
Ordonnance impériale longue de 82 articles promulguée en 789, l'Admonitio
generalis (Exhortation générale) définit les droits, les obligations et les
missions des sujets de Charlemagne, qu'ils soient ecclésiastiques ou laïcs,
pour les domaines religieux, intellectuel et moral. Le chapitre 72,
spécialement adressé aux prêtres, leur enjoint de respecter les préceptes de
l'Évangile dans l'exercice de leur ministère, afin de convaincre leur entourage
des bienfaits de la religion et de les convertir, qu'il s'agisse d'enfants de
serfs ou d'hommes libres. En matière de législation scolaire, l'empereur y
déclare :
" [...] que les prêtres attirent vers eux non seulement les enfants de conditions serviles, mais aussi les fils d'hommes libres. Nous voulons que soient fondées des écoles où les enfants puissent [apprendre à] lire. Dans chaque monastère ou évêché, corrigez scrupuleusement les psaumes, les notes [l'écriture sténographique], le chant [d'église], le comput [calcul], la grammaire et les livres religieux ; parce que souvent, ceux qui souhaitent bien prier Dieu le font mal à cause de livres non corrigés. Ne permettez pas que vos élèves les altèrent, soit en les lisant, soit en les écrivant ; et s'il faut copier les Évangiles, le psautier ou le missel, que des hommes d'expérience les transcrivent avec le plus grand soin."
Les origines
Barbarie et stérilité
" [...] que les prêtres attirent vers eux non seulement les enfants de conditions serviles, mais aussi les fils d'hommes libres. Nous voulons que soient fondées des écoles où les enfants puissent [apprendre à] lire. Dans chaque monastère ou évêché, corrigez scrupuleusement les psaumes, les notes [l'écriture sténographique], le chant [d'église], le comput [calcul], la grammaire et les livres religieux ; parce que souvent, ceux qui souhaitent bien prier Dieu le font mal à cause de livres non corrigés. Ne permettez pas que vos élèves les altèrent, soit en les lisant, soit en les écrivant ; et s'il faut copier les Évangiles, le psautier ou le missel, que des hommes d'expérience les transcrivent avec le plus grand soin."
Les origines
Barbarie et stérilité
La
vie culturelle à l’époque carolingienne est marquée par un renouveau auquel on
donne généralement le nom de « renaissance carolingienne ». Cette
qualification suggère à juste titre l’état de décadence dans lequel était
tombée en Gaule la vie intellectuelle, littéraire et artistique pendant la
première moitié du VIIIème siècle.
L’époque
de Charles Martel et de Pépin le Bref fut, en effet, une époque de barbarie et
de stérilité, où les laïques étaient devenus illettrés, où les clercs furent
victimes de la situation lamentable de la hiérarchie ecclésiastique et où seuls
les moines, dans quelques monastères où avait subsisté une certaine régularité
de la vie commune, avaient encore la possibilité de se consacrer aux études,
disposant d’une bibliothèque, d’un minimum de formation intellectuelle et
sachant au moins lire et écrire. Certes, Pépin le Bref et Carloman n’étaient
pas des analphabètes. Mais Pépin, pris par ses occupations politiques et
militaires, n’a pas eu l’idée, même lorsqu’il s’occupa de la réforme de
l’Eglise franque, d’organiser des écoles pour les clercs et les moines de son
royaume.
Les
sources de la renaissance carolingienne
Dans
sa Vie de Charlemagne, Eginhard fait apparaître deux sources de la
« renaissance carolingienne », l’apport de deux savants étrangers,
l’un d’origine italo-lonbarde, l’autre d’origine anglo-saxonne. Il est
significatif que le biographe de Charlemagne ne cite pas de précepteur
d’origine franque. Cet appel à ces étrangers fut sans doute une nécessité.
Cette régénération du latin classique nécessita donc l’appel à des hommes
instruits provenant de pays où la culture antique faisait encore partie d’une
tradition vivante, comme l’Italie, ou de pays où cette même culture avait été
soigneusement conservée dans les monastères, comme la Grande-Bretagne et l’Irlande.
Préoccupations
religieuses
Chez
Charlemagne, cette préoccupation linguistique naquit vraisemblablement d’un
souci d’ordre religieux : la pureté de la foi, l’exactitude de la vie
religieuse dépendaient, selon lui, de la sûreté et de la pureté des textes
sacrés. C’est pourquoi il confia à l’Anglo-Saxon Alcuin, venu en Gaule à son
appel en 782 et installé à l’abbaye de Saint-Martin de Tours dès 796, la
révision du texte latin de la Bible, fondé sur la Vulgate, dont Alcuin assura
ainsi le triomphe sur d’autres traductions.
Une
réforme scolaire
Aussi
la « renaissance carolingienne » fut-elle d’abord et principalement
une réforme scolaire, s’appliquant surtout aux enfants destinés à l’état
clérical. Charlemagne ordonna, en effet, que des écoles soient créées dans les
monastères et auprès des églises cathédrales et que, dans des ateliers de copie
attachés à ces écoles, les scriptoria, moines et clercs, transcrivent
avec soin des textes liturgiques dignes de confiance, et aussi des auteurs
latins, chrétiens et même païens, afin que l’on puisse acquérir la « maîtrise
des lettres », indispensable à la compréhension des textes sacrés.
Le
renouveau intellectuel et littéraire
Savants
étrangers à la cour de Charlemagne
De
ces préoccupations religieuses, de cette réforme scolaire sans souci
d’originalité et sans prétention naquit, dans la seconde partie du règne
de Charlemagne, un renouveau intellectuel et artistique que l’empereur a
également favorisé par son action personnelle, suivant en cela les conseils de
son ancien précepteur, devenu son principal collaborateur, Alcuin.
A
coté du vieux Pierre de Pise, déjà cité par Eginhard, Charlemagne amène, en
effet, à sa cour l’Italien Paul Diacre, l’historien des Lombards, qui fit
revivre à la cour royale la poésie latine, disparue de l’Occident depuis
Fortunat, deux cents ans plus tôt. Il est bientôt suivi par l’Espagnol
Théodulf, d’origine wisigothique, que Charlemagne ordonna vaque d’Orléans.
Poètes
francs dans la « Rome nouvelle »
Bien
vite, les Francs se piquent d’honneur : ils font, à leur tour, revivre
l’Antiquité et justifient par leurs œuvres, imitées des auteurs latins ou
inspirées par ceux-ci, le nom de « renaissance » dont nous
soulignions plus haut la signification ambiguë.
La
cour de Charlemagne devint ainsi non pas, comme on l’a parfois dit, une
« école du palais », mais un foyer intellectuel et artistique
brillant.
La
« renaissance carolingienne » sous Louis le Pieux
Grace
au talent organisateur de Charlemagne et à son réalisme, cette renaissance ne
finit point avec sa mort, et l’on ne vit pas disparaître l’œuvre intellectuelle
et littéraire qu’elle ébauchait. Louis le Pieux, pourtant, n’avait ni la force
ni l’état d’esprit propres à continuer cette grande tradition.
Monastères
et écoles cathédrales
Ainsi,
lorsque, quelques décennies plus tard, Charles le Chauve essaya de restaurer la
gloire culturelle de la cour royale, le centre de gravité de la renaissance
carolingienne s’était-il déjà, depuis longtemps, déplacé vers les centres où
Charlemagne avait, dès le début, voulu qu’elle prit forme d’abord, c’est-à-dire
vers les monastères et les écoles cathédrales.
Littérature
latine et humanisme
C’est
grâce à cette activité que nous n’avons pas perdu aujourd’hui toute la
littérature latine : la grande majorité des œuvres des auteurs classiques
latins qui nous ont été conservées nous sont connues, en effet, par des
manuscrits soit carolingiens, soit remontant eux-mêmes à des manuscrits
carolingiens.
La
production littéraire
Comparée
à cette abondante œuvre de conservation et d’étude des lettres qui se réalise
principalement dans les grands monastères pendant le règne de Louis le Pieux,
la littérature créative et originale est moins bien représentée à la même
époque.
Traditionalisme
et pragmatisme
Ainsi,
malgré la présence, tant sous Charlemagne que sous Louis le Pieux, de certaines
personnalités bien individualisées, dont il faut néanmoins souligner, en
général, le traditionalisme et le manque d’originalité, la renaissance
carolingienne apparaît donc principalement comme un mouvement d’éducation et
d’instruction. Sa contribution la plus positive et la plus durable à la
civilisation occidentale revêt un caractère pratique, pénétré de préoccupations
religieuses : l’introduction, dans la formation intellectuelle, du livre
et de la bibliothèque, de l’art d’écrire et de l’école, tout cela sous le signe
de la tradition antique.
Le
mouvement artistique
Un
art officiel
Dans
les beaux-arts, la renaissance carolingienne a donné une impulsion forte et
remarquable. L’art carolingien, comme d’ailleurs l’ensemble des productions
culturelles de l’époque, est en premier lieu un art officiel, réalisé sur ordre
du souverain.
L’enluminure
« royale »
Cela
est vrai tout d’abord de l’enluminure. De nombreux manuscrits furent ornés pour
le roi dans le scriptorium du palais, et leur splendeur, par l’emploi de
la pourpre, de l’or et de l’argent, glorifiait le monarque, illustrait sa
richesse, son pouvoir et sa dignité.
La
peinture provinciale
Hors
de la cour royale, un autre art se distingue dans les enluminures issues de
divers centres abbatiaux du nord de la France, principalement de Corbie.
L’architecture
Si
la peinture carolingienne présente les produits les mieux conservés de l’art
carolingien, ce qui subsiste de l’architecture, de l’orfèvrerie et de la
sculpture carolingiennes est cependant loin être négligeable.
En
France, quelques monuments carolingiens demeurent présents en tout ou en
partie. Les fouilles, d’autre part, font connaître le plan ou certains éléments
des très nombreuses églises carolingiennes disparues.
Trésor
d’église et orfèvrerie
La
fortune matérielle des églises à l’époque carolingienne, le goût du luxe de
leurs dignitaires, ainsi que leur préférence pour l’investissement en objets
précieux du surplus de leurs revenus fonciers expliquent que la
« renaissance carolingienne » ait donné une impulsion très importante
à l’art de l’orfèvrerie. La plupart des descriptions du patrimoine mobilier et
immobilier d’une église débutent d’ailleurs par un inventaire détaillé du
« trésor » de l’église.
Ivoires
et sculpture
Au
trésor des églises appartenaient, d’autre part, des pièces d’ivoire travaillé,
au premier rang desquelles se placent les diptyques portant les noms des évêques
et des saints récités au cours de la messe. Nulle part la renaissance de l’art
du relief n’apparaît mieux que dans ces ivoires somptueusement sculptés et
taillés.
Dans
le domaine des beaux-arts, tout comme dans celui des lettres, la
« renaissance carolingienne » fut donc en premier lieu un mouvement intellectuel
et artistique au service de l’Etat et de l’Eglise. L’Eglise en bénéficia
largement, tout en y contribuant de façon active sous l’impulsion et souvent même
sous la direction immédiate du souverain, dont le rôle moteur apparaît une fois
de plus et de façon éclatante : à aucune autre époque de l’histoire
médiévale de la France, l’art n’a reflété ni souligné aussi fidèlement les
mouvements de l’histoire politique.
Folio 50 de l'Admonitio generalis de 789. Par http://expositions.bnf.fr/carolingiens/grand/lat_10758_p50.htm, Domaine public.
Par Charlemagne — Karldergrossesignatur.jpg, Domaine public.
La minuscule caroline, progrès des scriptoria
ou symbole d'une culture des élites et du luxe ? Par moine inconnu —Manuscrit enluminé de la BnF, Domaine public.
Le roi Charles le Chauve se faitprésenter le livre par les moines de Saint-Martin de Tours. Bible de Vivien,Tours, 845, folio 423. Par Count Vivien — Dr. Uwe K. Paschke: Weltgeschichte -Von der Urzeit bis zur Gegenwart, Karl Müller Verlag, Domaine public.
Couronnement de Charlemagne. Par Jean Fouquet, Tours — Grandes
Chroniques de France, Paris, BnF, ms. Français 6 465,
vers 1460. Les costumes des personnages reflètent la mode du milieu du XVe siècle.http://expositions.bnf.fr/fouquet/grand/f008.htm, Domaine public.
Conception 2018 ©Laurent SAILLY –
Méchant Réac ! ®