12 avril 1204 : Les Croisés pillent Constantinople (Croisade IV), le schisme temporel entre les Chrétiens



En ce début de XIIIème siècle, Constantinople est la ville la plus riche du monde et la principale cité de la chrétienté orientale, à la fois capitale de l’Empire byzantin (héritier de l’Empire Romain d’Orient) et le siège du patriarcat orthodoxe. Le 12 avril 1204, les troupes de la IVème Croisade, composée de chevaliers venus de France, d'Italie ou encore d'Allemagne, que la découverte de Constantinople et de ses fabuleuses richesses a rendus particulièrement cupides, mettent à sac la « deuxième Rome » et massacrent deux mille Grecs. Après cet assaut d'une extrême brutalité, les croisés détrônent l'empereur et mettent la main sur ses possessions. Quelque peu conscients du caractère scandaleux de ce combat fratricide, ils commencent à se justifier en invoquant une bulle d'excommunication vieille de 150 ans qui mettrait les Grecs « schismatiques » au ban de la chrétienté !...

Seul le Moyen-Age (VIème siècle – XVème siècle) peut offrir une épopée de la taille des Croisades. Récits romancés et héros légendés (depuis les chansons de geste médiévales aux films hollywoodiens des années 1950), chacun d’entre nous imagine son Moyen-Age, peuplé de pieux chevaliers combattant pour le bien, contre les mécréants, ces peuples arabes, animés par une religion nouvelle, l’islam. Tout se mélange dans nos têtes où l’on perçoit Godefroy de Bouillon, Phillipe Auguste et Richard Cœur de Lion, Saint Louis mourant devant Tunis, Saladin (Salah ad-Dîn) à Jérusalem, les Chevaliers du Saint-Sépulcre… La vérité historique est loin de tout ça ! On a oublié (ou on ignore) que les croisades sont des opérations militaires meurtrières et coûteuses menées pour des raisons spirituelles sur lesquelles se grèveront rapidement des motivations matérielles. On croit qu’il ne s’agit que d’un conflit entre des chrétiens venus de l’Occident contre des musulmans venus d’Orient, mais c’est aussi un conflit entre chrétiens (catholiques et orthodoxes), entre musulmans (chiites et sunnites), entre souverains occidentaux, entre sultans, où toutes les alliances sont possibles.

Aussi importantes soient-elles, il n’y eut que huit croisades (avec celle de 1239), sur une période couvrant uniquement les XIIème et XIIIème siècles (sur les dix siècles du Moyen-Age), représentant en tout et pour tout moins de trente ans de combats.

Pour autant, les conséquences de ces conflits vont marquer (et marquent encore aujourd’hui) la géopolitique de l’Occident à l’Orient. La IVème Croisade, entreprise à l’initiative du pape Innocent III en 1202, est peut-être la plus emblématique.

La Croisade lancée en 1202 ne comporte aucun souverain chrétien. Philippe Auguste est en difficulté avec l’Eglise en raison de sa situation matrimoniale ; en Angleterre Jean sans Terre voit sa couronne contestée par Arthur de Bretagne ; le roi de France et le roi d’Angleterre sont en conflits armés ; l’Empire germanique se perd dans ses divisions.

Le pape Innocent III confie alors à des barons « aventureux » de reprendre Jérusalem, prise en 1187, par Saladin et d’attaquer le cœur politique de l’islam, l’Egypte. Mais les barons croisés ont sous-estimé le coût du transport maritime (et surtout du nombre de croisés devant les rejoindre – 10.000 au lieu de 30.000). La République de Venise, grande puissance maritime, accepte le marché à condition que les croisés prennent la ville byzantine de Zara, en Dalmatie (aujourd’hui Zadar, Croatie). C’est alors qu’ils écoutent les propositions de l’empereur Isaac II Ange, détrôné par son frère Alexis III. Isaac propose aux barons, en échange de son retour au pouvoir, une somme d’argent colossale suffisante au paiement de l’ensemble de la croisade (200.000 marcs). Beaucoup de croisés jugent que la trahison aux objectifs papaux dépasse les bornes et préfèrent s'en revenir chez eux.

D’autres, attirés par les richesses byzantines, trompés par les manœuvres du doge Enrico Dandolo (qui ne pense en fait qu’à ses profits commerciaux) et malgré les protestations d’Innocent III, mettent le siège devant Constantinople, prennent rapidement la ville et installent Isaac II Ange, le 12 juillet 1203.

L’incapacité de l’empereur byzantin d’honorer sa promesse, les actes de rebellions de la population contre les occupants, et la cupidité des chevaliers francs aboutissent à la journée du 12 avril 1204. Les croisés désignent alors comme empereur l’un des leurs, Beaudouin IX, comte de Flandre. Nous sommes le 9 mai 1204 et plus personne ne parle de libérer Jérusalem !



De ce jour fatal date la véritable rupture entre la chrétienté orthodoxe d'Orient et la chrétienté catholique d'Occident... Après le schisme "spirituel" de 1054, 1204 apparaît comme un schisme "temporel".


L’Empire latin s’organise avec la Macédoine, la Grèce et une partie de l’Asie Mineure. Les barons brisent aussitôt l'administration relativement moderne de l'empire grec et remplacent celui-ci par une mosaïque de principautés féodales : l’Empire latin de Constantinople, le marquisat de Bodonitza, les seigneuries d’Eubée, le duché de Plovdiv, le comté de Salone, le royaume de Thessalonique, la principauté d’Achaïe (ou de Morée), le duché d’Athènes, le duché de Naxos.

Tout l'Empire byzantin n'avait cependant pas été conquis par les croisés. Les familles impériales byzantines survivantes fondèrent dans les territoires restés sous leur contrôle leurs propres États : l'Empire de Nicée dirigé par Théodore Ier Lascaris, le despotat d'Épire dirigé par la dynastie des Ange, et l'empire de Trébizonde, déjà dirigé par la dynastie des Comnènes. En 1261, Michel Paléologue, coempereur de Nicée, reprendra la capitale byzantin et deviendra le nouvel empereur byzantin.

Carte par Guilhem06 — Travail personnel, CC BY-SA 3.0


Par Eugène Delacroix — The Yorck Project: 10.000 Meisterwerke der Malerei. DVD-ROM, 2002. ISBN 3936122202. Distributed by DIRECTMEDIA Publishing GmbH., Domaine public. Par 15th century miniature. [1] [2] « Croniques abregies commençans au temps de Herode Antipas, persecuteur de la chrestienté, et finissant l'an de grace mil IIc et LXXVI », ou « livre traittant en brief des empereurs », par David Aubert. Tome II f 205r, Domaine public. Conception Image Avril 2018 ©Laurent SAILLY – Méchant Réac ! ®

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