11 avril 879 : Carolingiens, le début de la fin !



Le 11 avril 879, les deux fils de Louis II le Bègue succèdent à leur père sur le trône de Francie Occidentale. Cinq rois vont se succéder en un peu plus de vingt ans (877-898). Moins de quarante ans après la mort de l’empereur Louis 1er le Pieux, l’empire de Charlemagne se disloque. 

La dynastie carolingienne, très féconde, fut aussi fragile. Quatre fils de Louis le Pieux avaient atteint l’âge adulte ; la lignée de Lothaire s’éteignit (en succession légitime) après ses trois propres fils et successeurs. De même pour Pépin, de même pour Louis le Germanique : de ses trois fils, aucun n’eut de fils légitimes atteignant l’âge adulte. Pour ce qui est enfin de Charles le Chauve (mort en 877), un seul de ses fils lui survécut, Louis II le Bègue (mort en 879), qui laissa trois fils, Louis III (mort en 882), Carloman (mort en 884) et enfin Charles le Simple, qui vécut plus longtemps et dont nous reparlerons.

Toutes ces extinctions de lignées entraînèrent des regroupements de territoires entre les survivants, regroupements difficiles : chaque mort, ou presque, fut l’occasion d’une guerre pour la succession. Notons qu’au fil des successions Charles le Chauve devint finalement empereur en 875. A ce moment, le pouvoir royal en France était réduit à bien peu de chose.

Chaque guerre entre frères souverains, chaque expédition lointaine, comme la marche de Charles le Chauve sur Rome, où il fut couronné empereur (875), s’accompagnait de concessions de domaines ou d’autres avantages accordés par le roi aux grands de son Etat, afin de les neutraliser provisoirement. Les grands devenaient toujours plus puissants. Bientôt ils affichèrent leur insubordination. L’affaiblissement du pouvoir souverain se traduisit par la difficulté croissante pour le roi de reprendre les fiefs et les fonctions comtales.

Au synode de Quiercy de 877, le roi reconnut un début d’hérédité juridique aux « bienfaits ». Or, toute la force de l’autorité royale reposait sur la possibilité de récompenser les bons serviteurs de la Couronne en leur donnant des fiefs et de punir les vassaux infidèles en leur reprenant leurs bénéfices. Le concile de Quiercy se tint au moment où le roi, devenu empereur, se disposait à retourner à Rome pour y établir son autorité. Que Charles ait ainsi cédé prouve qu’il se rendait compte du sens de l’évolution des forces dans son royaume. 

Il n’alla pas loin, car presque immédiatement éclata en France un formidable soulèvement des Francs. Le dérisoire empereur n’en vit pas la fin ; peine eut-il repassé les Alpes en toute hâte qu’il mourut misérablement dans un hameau perdu de la Maurienne. Désormais, pour près de trois siècles, il n’y eut plus de monarchie véritable en France : les grands furent désormais les maîtres. Trois descendants de Charles le Chauve se succédèrent rapidement : Louis le Bègue, aîné, craignait tellement de ne pas accéder au trône que, à la mort de son père, il combla les grandes de domaines, de fonctions et de dignités. Acte insensé, car ces « honneurs », pour employer le terme de l’époque, il ne les possédait pas : pour les distribuer, il lui fallut d’abord les enlever à ceux qui les détenaient, et son acte provoqua une révolte générale. Il faillit bien y laisser son trône Il s’en tira en sacrifiant les derniers biens de la Couronne. Louis mourut d’ailleurs dès avril 879. Ses deux fils, Louis III « le Victorieux » et Carloman, se partagèrent le royaume, mais ne régnèrent guère. Le premier poursuivait à cheval une jolie fille jusque dans sa maison ; en y pénétrant, il heurta du front une pièce de bois et s’y rompit la tête. Pour Carloman, les uns disent qu’il aurait été tué à la chasse par un sanglier, les autres par un de ses vassaux. A cette époque, des trois fils de Louis le Germanique, seul Charles (le Gros) survivait encore. A la suite de toutes ces morts dans les branches française et allemande, il se trouvait, en 884, le seul Carolingien légitime survivant (mis à part Charles [le Simple], 3ème fils de Louis le Bègue, mais encore tout enfant). Les grands appelèrent donc Charles le Gros à régner aussi sur la France.

Charles se révéla d’une affligeante incapacité, au point que les grands de l’Allemagne se soulevèrent et le déposèrent (887). Même réaction en France, où les grands élirent, un non-Carolingiens, Eudes, comte de Paris, qui s’était révélé un chef intrépide dans la lutte contre les Normands. Eudes n’était en rien apparenté aux Carolingiens et son élection fut en réalité le triomphe d’une partie de grands sur un autre parti qui voulait placer sur le trône Gui de Spolète. Mais ce n’est là qu’un aspect du problème ; l’autre est qu’à cette même époque de nouveaux royaumes se détachèrent du vieux tronc carolingien.

Le royaume de Provence fut fondé par Boson, membre d’une famille comtale. Sa sœur avait été d’abord la concubine, puis l’épouse de Charles le Chauve. Boson était ainsi devenu l’homme de confiance de son beau-frère. Non seulement il se vit attribuer de hautes charges à la cour, mais le roi l’investit du gouvernement de la Provence, puis de l’Italie. Très vite après la mort de Charles le Chauve, Boson osa aspirer à la royauté. En 879, une assemblée de grands et d’évêques de la Provence le proclama roi. Après sa mort (887), son fils Louis se fit élire roi de Provence (890). Au même moment, le comte Rodolphe, de la puissante famille des Welf, se fit proclamer roi de « Bourgogne » (888).

Le roi Eudes avait passé les dernières années à combattre le jeune Charles le Simple ; bien qu’il eût en son frère Robert un héritier possible et très valable, il désigna Charles comme son successeur, mettant fin par cet acte d’homme d’Etat aux luttes entre Carolingiens et Robertiens.

877 (6 octobre) – LOUIS II (846-879, mort à 33 ans), roi en Neustrie en 856, roi d’Aquitaine en 867 et roi de France en 877. Seul fils survivant de CHARLES LE CHAUVE.

879 (11 avril) – LOUIS III (865-882, mort sans postérité à 17 ans) et CARLOMAN II (867-888, mort sans postérité à 21 ans), tous deux fils de LOUIS II.

884 (12 décembre) – CHARLES LE GROS (839-888, mort à 49 ans), roi de Souabe en 876, roi d’Italie en 879, couronné Empereur en 881, roi de Francie Occidentale en 884 et déposé pour incompétence par la Diète de Tribur en 887. Il est le fils de Louis le Germanique, donc cousin germain de Louis II et neveu de Charles II le Chauve.

888 (29 février) – EUDES (860-898, mort à 38 ans)
Ancêtre des Capétiens (dynastie dite Robertienne en référence à son père Robert le Fort). Comte de Paris et de Troyes en 882, duc de France, élu roi de Francie Occidentale en 888 (reconnu par le roi – puis empereur – Arnoul, seul Carolingien adulte à entre alors sur un trône. 

Miniature contemporaine de l'école de Fulda datant de 826 représentant Louis le Pieux. Liber de laudibus Sanctæ Crucis, par Raban Maur. Codex Vaticanus Reginensis latinus 124, Domaine public. 
Enluminure représentant Charles le Chauve avant 869, Psautier de Charles le Chauve, BnF, Département des Manuscrits, par École du Palais de Charles le Chauve — Cette image provient de la Bibliothèque en ligne Gallica et est d’identifiant btv1b55001423q/f12−Bibliothèque nationale de France, Département des Manuscrits, Latin 1152 fol. 3v, Domaine public. 
Enluminure du XIVe siècle représentant le couronnement de Louis II. Par Chroniques de Saint-Denis — http://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/ILLUMIN.ASP?Size=mid&IllID=43997, Domaine public. 
Louis III et Carloman II, par Charles de Steuben — Catalogue Joconde : entrée 000PE004540, Domaine public. 
Charles le Gros, Grandes Chroniques de France - http://www.emersonkent.com/images/charles_iii_the_fat.jpg, Domaine public.
Couronnement du roi Eudes (enluminure des Grandes Chroniques de France), par Grand Chroniques de France, Domaine public. 
Charles III, dit le simple, roi de France peint par Georges Rouget (1783-1869) ; peinture acquise en 1838 et conservée au musée national du Château et des Trianons de Versailles, par Georges Rouget — http://www.culture.gouv.fr/public/mistral, Domaine public.
Louis le Germanique entouré de ses fils (enluminure des Grandes Chroniques de France), par Bnf Manuscrit, Fr. 2813 f. 152v – http://expositions.bnf.fr/carolingiens/it/45/07.htm
CONCEPTION IMAGE Avril 2018 ©Laurent Sailly – Méchant Réac ! ®