10 avril 1312 : Lyon devient français


Lyon était capitale des Gaules à l’époque romaine et siège du Primat des Gaules, autrement dit du chef de l’Église gallicane, aux premiers temps de la chrétienté. Ce titre honorifique fut d’ailleurs confirmé par le pape Grégoire VII à son archevêque au XIe siècle et ses successeurs le portent encore.

Située à un carrefour européen majeur, mais aussi sur une frontière naturelle, le Rhône, Lyon change souvent de royaume ou d’Empire.

À la suite de la division de l'empire carolingien, la ville de Lyon et son comté intègrent le royaume de Bourgogne puis en 1032 le Saint-Empire Romain Germanique. Par la Bulle d'or de l'empereur Frédéric Ier, l'archevêque de Lyon reçoit la souveraineté absolue sur la ville. Toutefois, celui-ci doit faire face à partir du XIIIeme siècle aux revendications des rois de France qui tentent d'élargir leur royaume vers l'est et dans la vallée du Rhône qui est un axe vers la Provence tombée aux mains des Capétiens en 1246.

L’Église toute puissante, l’archevêque et les chanoines, membres puissants du clergé à Lyon, dominent la ville et la justice. L’archevêque dispose de son tribunal et de sa prison et charge le Sénéchal de rendre justice. La bourgeoisie n’a pas d’autre choix que de courber l’échine. Mais elle ne peut se résigner à se soumettre totalement et les tensions vont rapidement apparaître. En 1208, l’église rétablit un impôt taxant les denrées vendues dans la ville. Outragée, la bourgeoisie se rebelle et obtient gain de cause. Régulièrement, elle va s’imposer comme un contre-pouvoir.

En 1269, les bourgeois se soulèvent contre les chanoines de Saint-Jean. Au cri de « Avant ! Avant ! Lyon le melhor », ils occupent le pont de Saône, font fuir les chanoines jusqu’au du chapitre de Saint-Just, l’assiège sans parvenir à le prendre. Les chanoines utilisent alors la seule arme à leur disposition : l’excommunication. Ce ne sont pas quelques mots qui vont arrêter les bourgeois : ils pillent, incendies sur les terres de l’Église dans les environs de Lyon.

L’arrivée du roi de France Philippe le Bel en 1292 dans le jeu, va faire pencher la balance. Une nouvelle fois confrontée aux chanoines qui prennent part à la justice, la bourgeoisie fait appel à lui pour protéger la cité. Le roi va utiliser toute sa sagesse et sa diplomatie pour ménager les acteurs de la vie publique lyonnaise ainsi que la papauté. En 1307, l’archevêque Pierre de Savoie n’a pas d’autre choix que de se soumettre, mais la bourgeoisie est exclue de l’accord. Pierre de Savoie tente alors d’en profiter et de lever le peuple contre le roi de France. En 1310, le fils de Philippe le Bel, Louis, arrive à Lyon à la tête d’une armée et arrête Pierre de Savoie. Le 10 avril 1312, Lyon est annexée et rentre dans le Royaume de France grâce au traité de Vienne. L’archevêque renonce à ses pouvoirs, mais conserve le château de Pierre Scize, son palais ainsi que quelques privilèges, en échange d’une rente. Tout n’est pas encore acquis pour les riches Lyonnais. Il faudra encore attendre huit ans et la « charte Sapaudine » du 21 juin 1320. Les bourgeois ont alors le droit de nommer douze consuls parmi leurs pairs chaque 21 décembre, pour diriger la cité. L’ancêtre de la mairie de Lyon vient de naître.

Quelques années plus tard, en 1320, Philippe le Long rend néanmoins à Pierre de Savoie une partie de ses droits, en particulier de justice, tout en le contraignant à accorder l'autonomie à la bourgeoisie lyonnaise par la charte Sapaudine.

L'empereur ne protesta pas contre l'annexion d'une des villes aux confins de son empire, sur laquelle il n'avait plus qu'un pouvoir théorique. Le passage à la France se fit dans la douceur.